La wilaya d'Alger a dégagé une enveloppe de 404 millions de dinars pour, entre autres, la réhabilitation de l'hôtel des Négociants. Une enseigne métallique barre une partie de la façade décrépie. L'hôtel des Négociants, situé au n°12 de la rue Larbi Ben M'hidi, est à l'abandon. L'établissement, fermé il y plus d'une vingtaine d'années, ressemble plus à une maison hantée. Survivance des temps anciens, une plaque anachronique, placée au dessus de la porte d'entrée, annonce une opération de «rénovation bientôt ici». Plusieurs années après, l'hôtel est toujours fermé et tombe en ruine. Les fenêtres éventrées de l'établissement, géré dans le temps par le Comité des fêtes de la ville d'Alger (CPVA), laissent voir l'intérieur : chambres aux murs décrépis et aux plafonds effondrés, mobilier dégradé. «L'hôtel, qui a gardé son nom colonial, est resté fermé faute de budget mais aussi faute de volonté franche des autorités de reprendre cet établissement public qui aurait servi à accueillir des délégations importantes. La wilaya d'Alger a décidé, lors de la dernière APW, consacrée à l'approbation du budget supplémentaire, de consacrer une enveloppe de 404 millions pour sa réhabilitation», nous a assuré une source à la wilaya d'Alger. L'ex-CPVA, disparu en 1995 après l'arrivée du gouvernorat du Grand-Alger, n'a pas eu le temps de reprendre son projet. Ce modeste hôtel de trois étages accueillait des personnalités importantes : Ferhat Abbas, qui s'installait régulièrement dans une chambre au premier étage, y recevait des personnalités politiques. Chawki Mostefaï, militant nationaliste, a évoqué, dans un témoignage disponible sur son site internet (www.mostefai.net) une rencontre dans cet hôtel du centre-ville avec le futur président du GPRA, au lendemain de la débâcle de l'armée française en 1940. «La défaite militaire de la France ayant entraîné la démobilisation de Ferhat Abbas, pharmacien, une démarche a été faite auprès de lui à l'hôtel des Négociants, rue d'Isly à Alger, au cours de l'automne 1940 par Mohamed Lamine Debaghine et moi-même, au nom du parti, pour l'inviter, vu la conjoncture nouvelle d'affaiblissement de la France, d'abandonner la politique d'assimilation poursuivie jusque-là et d'embrasser une politique indépendantiste de libération nationale. Ferhat Abbas n'était ‘‘pas homme à changer de fusil d'épaule''», raconte Chawki Mostefaï qui a participé, au sein d'un groupe d'une dizaine d'étudiants algériens (parmi lesquels se trouvait le futur écrivain Mouloud Mammeri) à un projet d'organisation de lutte insurrectionnelle, transformé en adhésion au PPA sur proposition de Lamine Debaghine. Militant déjà aguerri, celui qui a créé la section universitaire du PPA, a été admis comme membre à part entière à la direction suprême du parti indépendantiste en tant que délégué du groupe des étudiants nationalistes. Cet endroit de l'ancienne rue d'Isly était mitoyen d'un théâtre sanglant : trois militants du Mouvement national ont péri sous les balles des forces françaises lors des manifestations du 1er Mai 1945. L'un d'eux, El Haffaf Mohamed El Ghezali (organisateur de la participation des militants de Belcourt à cette manifestation, selon un témoignage du docteur Messaoud Djennas), est mort criblé de balles devant la porte de l'hôtel, situé non loin du fameux cinéma L'Olympia. Deux autres manifestants (Abdelkader Ziar, 26 ans, et Ahmed Boualamallah, 18 ans) sont morts sur l'autre trottoir (rue Hamitouche Mohamed), dans la fusillade qui éclata lors de la manifestation. Des plaques commémoratives ont été installées à cet endroit pour rappeler cet événement qui a précédé les massacres sanglants, une semaine plus tard, de Sétif et Kherrata (8 Mai 1945). Selon des témoignages, le drapeau national, confectionné par la femme de Messali Hadj, Emilie Busquant, aurait été brandi la première fois par le militant de Belcourt El Haffaf, avant même Chaâl Bouzid, mort l'emblème national à la main à Sétif.