L'économie et la sécurité seront les priorités du nouveau gouvernement égyptien présenté jeudi, dont la composition reflète un délicat dosage entre indépendants, islamistes proches du président Mohamed Morsi et personnalités du cabinet sortant nommé par les militaires. «Ces deux dossiers sont au premier plan de nos priorités», a déclaré le Premier ministre, Hicham Qandil, lors de sa première conférence de presse, en ajoutant qu'une réunion aurait lieu aujourd'hui pour examiner les mesures à prendre. En soirée, les 35 ministres ont prêté serment devant M. Morsi, qui appartient au Parti de la liberté et de la justice (PLJ), issu des Frères musulmans. Plusieurs ministres du cabinet sortant, nommé en décembre 2011 par le pouvoir militaire dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui, à l'époque détenteur de l'exécutif, conservent leur portefeuille. Le maréchal Tantaoui reste à la Défense après avoir été pendant 20 ans à ce poste sous l'ancien régime de Hosni Moubarak déchu en février 2011. En tant que chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA) à qui M. Moubarak avait remis le pouvoir en démissionnant sous la pression de la rue, il a été chef d'Etat de facto jusqu'à l'investiture de M. Morsi en juin. Mohammed Kamel Amr garde le portefeuille des Affaires étrangères et Momtaz Al Saïd celui des Finances. Le PLJ a pris cinq ministères dont ceux de l'Information et de l'Enseignement supérieur. M. Qandil n'a pour le moment pas encore nommé de ministre de l'Aviation civile. Ahmed Mekki, un juge qui avait soutenu les islamistes qui s'étaient opposés à la dissolution du Parlement suite à une décision de justice, a été nommé ministre de la Justice. Seules deux femmes, issues toutes deux du cabinet sortant, ont été nommées dans le nouveau gouvernement, aux Affaires sociales et à la Recherche scientifique. M. Qandil a assuré que son équipe avait été choisie sur la base d'«un critère essentiel : la compétence». «Nous sommes le gouvernement du peuple. Nous ne représentons pas tel ou tel courant», a-t-il lancé. «Chrétien copte, musulman, salafiste... Nous ne voyons pas cela. Tout ce que nous voyons, ce sont des citoyens égyptiens.» «La période qui vient est difficile. Nous sommes tous dans le même bateau.» Ingénieur diplômé de l'université du Caire et titulaire d'un doctorat de l'université de la Caroline du Nord, M. Qandil, ministre de l'Irrigation dans le gouvernement sortant, a été nommé Premier ministre le 24 juillet, plus de trois semaines après l'investiture du président Morsi. Il a assumé de hautes fonctions au sein de l'administration (notamment au ministère de l'Irrigation) et se présente comme un homme religieux, déclarant avoir laissé pousser sa barbe «conformément à la sunna». M. qandil a toutefois démenti être membre du puissant mouvement des Frères musulmans. La nomination de ce technocrate très peu connu du public avait constitué une surprise. «Ce gouvernement était attendu depuis longtemps et sa mission est de réaliser les objectifs de la révolution : pain, liberté, justice sociale», a-t-il dit, reprenant l'un des slogans les plus célèbres de la révolte qui a renversé Hosni Moubarak. «Mais il y a aussi des défis grands et nombreux auxquels doit faire face le gouvernement», a-t-il ajouté, en citant le déficit budgétaire, les dettes intérieure et extérieure ainsi que l'insécurité. L'Egypte, pays le plus peuplé du monde arabe avec plus de 80 millions d'habitants, connaît depuis la chute de M. Moubarak une sévère crise, marquée par une baisse du tourisme, un effondrement des investissements étrangers, une fonte de ses réserves en devises et une aggravation du déficit budgétaire. La montée de la criminalité est également source de préoccupation pour les Egyptiens.