Les vieilles idées font encore bonne recette, et l'éternel Demande en mariage, un sketch plus vieux que l'Algérie indépendante, plaît toujours au public. C 'est ce qui a été constaté encore une fois à l'ouverture des journées du rire organisées par la direction de la culture. L'esplanade du palais Zeddour Brahim Belkacem était pleine à craquer samedi soir, et le rire a bel et bien été au rendez-vous avec les prestations assurées par Nes Arzew et Echourouk. Les deux duos ont proposé une variante de cette «œuvre» devenue à Oran, un classique du genre comique avec, comme à l'accoutumée, les rôles féminins joués par des hommes. Le sketch est caractérisé par l'absurdité des conditions matérielles irréalistes imposées au prétendant par la famille de la mariée. La très longue liste des cadeaux à fournir avant la conclusion du mariage fait, selon l'imagination des artistes, l'originalité de cette pièce qui reste, à première vue, cantonnée dans la tradition. A première vue seulement, car, au-delà des clichés liés au mariage et qui ont effectivement la peau dure, des glissements significatifs traduisent l'évolution de la société, à commencer par le constat démographique lié à l'augmentation significative de l'âge moyen du mariage. Un aspect aujourd'hui pris en compte dans la dérision au même titre que les conditions sociales et professionnelles des personnages adaptés à la réalité tel le statut «enviable» de l'enseignante avec les augmentations de salaire, etc. Certains passages propres à l'humour oranais, des jeux de mots absurdes, déclenchent des fous rires parmi les spectateurs : «Nous voulons trois kimonos : un pour dormir, un autre pour le judo et le troisième pour le karaté», exige la famille entre autres choses. Le duo Echourouk a tenté une entorse à la règle en substituant, pour les négociations, en qualité de tuteur, la mère au père de la mariée. Le résultat donne une caricature de la femme émancipée (cigarette et peignoir de bain à la place du lourd foulard et habit traditionnel) qui refuse même et avec dédain le qualificatif honorifique «el hadja». Malgré tout, le thème est tellement galvaudé qu'on est sceptique au début, mais l'esprit créatif des artistes finit souvent par prendre le-dessus. L'influence du phénomène Haroudi (le comique oranais le plus caricatural) sur l'interprétation du duo d'Arzew est très visible. L'autre thème présenté et qui est lui aussi à mettre sur le compte de la tradition est celui du «sorcier» escroc qui finit par être démasqué. L'attachement à la tradition apparaît très clairement dans l'idée proposée d'une émission télé avec un cheikh dénommé «Zenga Zenga», mais juste pour rire, car sans aucun lien avec l'ex-dirigeant libyen. Le cheikh, gardien du temple, tourne en dérision ou s'insurge contre les citations choisies de plusieurs chanteurs des nouvelles générations autres que la sienne. Le rire comme thérapie sociale et pour la même initiative, l'APC d'Oran prendra le relais dès le 7 août au théâtre de verdure avec, à l'ouverture, des comiques invités de France (Smain), de Tunisie et du Maroc. Le fait de côtoyer des humoristes venus d'horizons divers ouvrira sans doute de nouvelles perspectives aux artistes locaux pour échapper aux carcans dans lesquels ils se sont enfermés depuis des années.