Cette manifestation a été organisée avant-hier soir à la maison de la culture de Bizerte par la Ligue tunisienne pour la tolérance et d'autres organisations de la société civile «pour le soutien de la mosquée Al Aqsa», en présence du militant libanais Samir Al Kontar, qui a passé près de trente ans dans les geôles israéliennes. Tunisie. De notre correspondant
Tandis que cette manifestation touchait à sa fin, un groupe de salafistes s'est attaqué aux participants, usant d'épées et de barres de fer. Les assaillants s'en sont pris violemment aux présents et ont saccagé le matériel de sonorisation qui leur tombait sous la main. Ils ont justifié leur «razzia» par le fait que ce militant libanais est un chiite de Hizbollah et que la musique fait partie du domaine «haram». Pour les salafistes, Al Kontar n'aurait pas le droit de s'exprimer car il soutient Bachar Al Assad ! Il est vrai aussi qu'Al Kontar a critiqué, durant sa présence en Tunisie, Rached Ghannouchi, leader d'Ennahda, le parti islamiste gouvernant ! «Au-delà du fait que Samir Al Kontar est déjà plébiscité par tous les peuples du monde pour sa résistance à des décennies d'emprisonnement par les sionistes et que, c'est normal que l'on le plébiscite en Tunisie pour sa bravoure, ce militant est un Druze, c'est donc de la manipulation médiatique pour justifier l'intolérance et le rejet du droit à la différence», a souligné Béchir Ben Cherifa, secrétaire général de la section de Bizerte de la Ligue tunisienne des droits de l'homme. M. Ben Cherifa n'a pas manqué d'évoquer la réaction tardive des forces de l'ordre : «Elles n'ont pas bougé malgré les violences perpétrées devant leurs yeux. Une heure s'est écoulée avant qu'elles ne décident d'intervenir.» Par ailleurs, suite à ces incidents, le service des urgences de l'hôpital Habib Bougatfa de Bizerte a accueilli six blessés. La blessure de Mongi Tayachi, l'un des organisateurs, a nécessité 16 points de suture ; il est toujours à l'hôpital en observation. Le secrétaire général de l'association Liberté et équité, Khaled Boujemaâ, a été sévèrement amoché. D'autres blessés ne souffrent que d'hématomes et sont rentrés chez eux. «Cet incident survient deux jours après l'annulation du gala de Lotfi Ebdelli à Menzel Bourguiba (20 km de Bizerte) et annonce un nouveau pic de violence salafiste», a constaté Abdelkarim Khalki, secrétaire général de l'Union régionale du travail de Bizerte, qui a fait le lien entre cette recrudescence de la violence salafiste et la tension sociale dans le pays. «Ce n'est pas une coïncidence. Chaque fois qu'il y a contestation sociale, les salafistes sortent de l'ombre pour faire des manœuvres de diversion», a-t-il dénoncé. La centrale syndicale ouvrière UGTT, la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), l'association Justice et équité ainsi que d'autres associations protestent contre le laxisme du ministère de l'Intérieur dans son traitement du phénomène de la violence salafiste. Le chef local de l'UGTT s'est dit «indigné de voir les autorités n'appliquer la loi que contre les syndicalistes. Les salafistes sont toujours épargnés. Il s'agit d'une politique de deux poids, deux mesures».Du côté du ministère de l'Intérieur, un communiqué publié hier indique que «près de 200 personnes appartenant au mouvement salafiste se sont rassemblées devant la maison de la culture de Bizerte. Elles ont fait usage de violences afin d'empêcher une manifestation organisée par certaines associations à l'occasion de la journée d'El Qods». Le même communiqué indique que «ces violences ont causé deux blessures frontales à des organisateurs, outre la blessure à l'épaule d'un agent de la sûreté». «Quatre des agresseurs ont déjà été arrêtés et les recherches continuent afin de mettre la main sur le reste des accusés», ajoute le communiqué.