Mouhal Omri Nansak, Salou, Katba, Ma-nahki ma-nachki sont des tubes qui ont propulsé au firmament le groupe Polyphene durant les années 80 et début 1990. Dans cet entretien, Mohamed, le chanteur de la bande joyeuse de la musique algérienne moderne, que nous avons rencontré après le gala qu'il a animé le 17 août à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, revient sur son absence de la scène artistique et sur ses projets. -Que devient le groupe Polyphene ? Depuis que j'ai quitté l'Algérie dans les années 1990, j'ai arrêté de produire, je n'avais plus envie de travailler. Je pensais sans cesse à la décennie noire, à ma famille que j'avais laissée au pays. C'est vous dire que je me suis complètement retiré de la musique. Mais voilà, je reviens petit à petit en animant en France des soirées. Et comme tout Algérien possédant des papiers en règle dans ce pays, j'y vis depuis dix-huit ans. -Vous animez souvent des galas à l'étranger mais pas en Algérie... Si, si ! Je m'y produisais depuis 1997-1998 et surtout à partir de 2000. Je revenais lorsqu'il y avait du travail. Cette année par exemple, le groupe Polyphene a fait le Théâtre de verdure à Alger. Le 17 août, nous avons animé un spectacle à Béjaïa et nous revoilà maintenant de retour à Tizi Ouzou. Ensuite, il y aura encore des spectacles dont une tournée à l'ouest du pays, vers février ou mars 2013, avec l'OREF (Office de Riadh El-Feth). En outre, en suivant au fur et à mesure notre programme, nous allons avoir des contacts pour d'autres galas. -Un nouvel album en projet ? Cela fait 18 ans que je n'ai pas fait de nouvelles chansons. Il faut dire qu'il y a pas mal de facteurs à l'origine de cette stagnation. Parmi ces aléas figure une période très difficile qui a duré au moins six ans et que j'avais vécue péniblement. Après autant d'années d'absence sur la scène, je n'avais plus de moyens suffisants à ma disposition pour pouvoir réaliser un album. -Des propositions en vue ? J'ai eu certes des propositions, mais pour moi elles sont commerciales, comme faire trois jours de studio, etc. Et là, je n'ai pas pu m'adapter avec le système de la nouvelle génération de chanteurs qui peuvent faire 14 titres en une seule nuit, en deux séances. Mais, automatiquement, à chaque fois que j'ai du temps, j'envisage de reprendre le chemin des studios. Je pense que l'année 2013 n'est pas à rater pour faire un best-of avec quatre ou cinq nouvelles chansons, Inch'Allah. En somme, voilà la raison de mon absence sur la scène locale. Je n'ai pas eu les moyens nécessaires pour pouvoir produire un nouvel album, en France ou en Algérie. -Comment sont vos relations avec vos collègues artistes-chanteurs en France ? J'ai toujours eu de bonnes relations avec les chanteurs algériens installés en France. Nous avons toujours travaillé ensemble. On anime des galas et des soirées de mariage. J'ai travaillé notamment avec Mohamed Lamine, Abderrahmane Djalti et Farid Gaya. Récemment, j'ai vu Rabah Asma. Certes, on ne se rencontre pas très souvent mais nous travaillons collectivement. -Quel regard portez-vous sur la chanson kabyle actuelle ? La chanson kabyle est et restera ce qu'elle est. Ces vingt dernières années, il y a eu pas mal de succès, tels que ceux de Rabah Asma, de Takfarinas, alors que pour Mohamed Allaoua, ces dernières années, c'est le top des tops. Ceci sans parler des produits du regretté Lounès Matoub Allah Yerrahmou. Ses chansons sont immortelles ! Elles ont marché énormément, elles continueront à l'être tout le temps sans nul doute, malgré le temps qui passe. Pour moi, la chanson kabyle se porte bien. Il existe des chanteurs qui ont un grand succès, comme il existe ceux qui ne l'ont pas évidemment. En France, par exemple, certains artistes remplissent le Zénith et d'autres non. L'exemple de Mohamed Allaoua et de Takfarinas qui font souvent salle comble en est la preuve. Je vis là-bas depuis des années, je me renseigne souvent sur les galas de mes compatriotes. Mais pour d'autres chanteurs, il faut qu'ils soient à 5, à 8, voire à 10 pour remplir le Zenith. C'est le même cas pour la chanson raï. Ces dernières années, Mohamed Allaoua fait un véritable tabac, et c'est réjouissant, Allah Ibarek. -De nombreux chanteurs algériens d'expression arabe se sont mis à chanter en kabyle. A quand le tour de Mohamed Polyphene ? Je pense sérieusement à cela parce que dans ma carrière artistique, la région de Kabylie compte beaucoup pour moi. En 1987, j'ai fait Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa. Comme je l'ai dit hier devant le public béjaoui à l'occasion de mon gala, pour moi la Kabylie fait partie de mon existence artistique. Mon premier succès en venant jouer ici à Tizi Ouzou est quelque chose de magnifique. Je suis passé récemment à l'émission «Ahalil» de la Télévision nationale, où j'ai présenté ma chanson Tanadmi aâla faâlek, en duo avec Farid El-Bez qui a fait un paragraphe en kabyle. Pour revenir à votre question, j'ai pensé à une chansonnette dans cette langue dans un nouveau style, Inch'Allah. Soit j'inclurai des paroles dans cette chanson que j'apprendrai, soit je ferai appel à quelqu'un qui l'interprétera. Dans tous les cas, je compte concrétiser ce projet ; après tout, ce sont mes racines berbères. Ma mère est de souche kabyle, tandis que mon père est de descendance ottomane, mais nous avons des racines kabyles. C'est pourquoi je ferai tout pour réaliser ce rêve, sachant que la Kabylie compte énormément pour moi. -Votre sentiment sur le gala d'aujourd'hui... C'était vraiment formidable, comme vous avez dû le constater. Ces quatre dernières années, j'ai chanté à deux reprises à Tizi Ouzou. Le désir de me produire ici reste le même qu'il y a 25 ans. Je sais que le public de Tizi Ouzou est connaisseur. J'ai beaucoup de fans dans cette région, notamment ceux de ma génération. Actuellement, j'ignore ce que pense la nouvelle génération ici de Mohamed Polyphene, sachant qu'elle ne me connaît pas du fait que je me suis retiré de la scène depuis de longues années. Toujours est-il que c'est avec un immense plaisir que je réponds à l'invitation des responsables de la culture pour venir chanter à Tizi Ouzou. -Le mot de la fin... Je demande pardon à mes fans d'ici et d'ailleurs à travers le pays pour m'être si longtemps absenté. Malgré cela, mon public m'est resté fidèle. Je parle souvent avec mes fans via facebook. J'ai toujours eu des remerciements et des compliments. Cela me réconforte beaucoup et prouve que j'ai toujours une place dans leur cœur. Dans un proche avenir, je promets de les gratifier d'un best-of et de quelques chansons en kabyle. Incha Allah, j'aurais les capacités de satisfaire mon public et être à sa hauteur. Aïd mabrouk à tout le monde.