Le cinéma regorge de ces films censurés, traficotés et parfois perdus dans des caves souterraines où la lumière de la pellicule est restée de marbre. Cet été, retrouvez chaque semaine notre feuilleton sur ces films qui continuent de susciter des mystères et dont les histoires tristes et rocambolesques démontrent qu'il est toujours possible, en 2012, de croire en l'innocence du 7e art. Nom : McTiernan. Prénom : John. A l'époque, il affichait 48 ans et une palette de films à succès (critique et public). Die Hard 1 & 3, Predator, Last Action Hero, The Hunt for Red October, titres gonflés à la testostérone, héros virils, redéfinition du film d'action et caméra virtuose qui prenait le temps d'installer une intrigue, un sens et des personnages en quête d'existence. Puis un jour, cette phrase lâchée au cours d'un entretien : «Ce qu'ils ont fait est une boucherie, je dirais même que c'est immoral.» Constat radical autour d'un film, le huitième, qui causa infortunes et malaises au cinéaste. Le 13e guerrier ou l'histoire d'un montage interdit. Les faits. 1996, McTiernan souhaite adapter le bouquin de Michael Crichton, Eaters of the Dead (le Royaume de Rothgar en VF), dont le héros, un voyageur arabe nommé Ibn Fadlân, se retrouve en terre viking, confronté à d'incessantes aventures. Walt Disney, Touchstone Pictures et Cinergi sont les principaux partenaires financiers de cette épopée, tandis qu'Antonio Banderas, après avoir terminé le tournage du Masque de Zorro, rejoint McTiernan pour interpréter Ibn Fadlân, personnage-titre et 13e guerrier. Le tournage débute le 16 juin 1997, il durera près de 5 mois et alternera des séquences filmées à Sayward (petit village canadien localisé près de Vancouver), Elk Falls (Kansas, Etats-Unis) et Williams Lake (ville canadienne). Tournage simple, rapide et sans heurts, selon les nombreux reportages effectués ici et là. Plus tard, janvier 1998, un teaser est montré, des photos volées seront diffusées sur le net. Puis en février de la même année, une projection-test dont le montage est signé McTiernan, est organisée. Triste sort car conclusion désolante. Buena Vista, distributeur des films Touchstones, oblige les exploitants des salles de cinéma de ne pas montrer le teaser. On patiente. Une date de lancement est annoncée : 12 juin 1998. Et dans la foulée, McTiernan remonte le film, lui donne un nouveau titre et le projette lors d'une séance-test en avril. Crichton, auteur du bouquin, mais aussi producteur du film, est insatisfait de la nouvelle version, reprochant une trop grande liberté avec le récit original. Réflexion, prise de recul et décision irrévocable : McTiernan est viré ! Le problème dans ce maelstrom de situations violentes réside étrangement dans les témoignages qui diffèrent selon l'ampleur du projet. On évoque le renvoi de McTiernan et donc un passage de Crichton derrière la caméra pour y tourner quelques séquences additionnelles. D'autres récusent cette interprétation et affirment qu'il n'y a jamais eu de désaccord entre l'écrivain et le cinéaste, et que tout s'est déroulé dans une ambiance des plus agréables. Pendant ce temps, quatre montages du film se succéderont suivis de projections-tests plus ou moins réussies. Contradiction Fin octobre 1998, toujours pas de sortie en vue. Pendant ce temps, McTiernan, et c'est un fait, se retrouve sur le tournage du remake de l'Affaire Thomas Crown. Il dira plus tard que sa «démission» était due à des soucis contractuels. Des mois passent et on apprend enfin que le film sortira le 27 août 1999 aux USA. Montage signé Crichton. On tente d'approcher le réalisateur. Il n'aurait même pas vu le montage final et ne souhaite plus jamais qu'on lui parle de ce film qu'il désavoue entièrement. «Ecoutez, ça s'est très bien passé, on a fait le film qu'on voulait. Il n'y a eu aucune discorde entre McTiernan et moi.» Crichton est toujours serein. Seul bémol qui vient noircir ce beau paysage, le procès qu'intente McTiernan à l'écrivain. On évoque un film magnifique, 150 minutes de splendeurs épiques, le chef-d'œuvre tant attendu de l'auteur de Predator. Certains cinéphiles frustrés clament que la director's cut (version voulue par McTiernan) se trouverait dans l'édition DVD. On patiente une fois de plus et on sort finalement aussi déprimé que déçu. Pas de version longue, pas de ressortie en salle. Crichton tient bon. Sept ans plus tard, il mourra des suites d'un cancer. Pendant ce temps, McTiernan signe trois films et, surtout, donne une interview en 2003 où il calme tout le monde en affirmant qu'il n'y a jamais eu de version longue. Qui croire ? Pourquoi cette contradiction ? Trois ans plus tard, McTiernan se retrouvera impliqué dans une sale et louche affaire d'écoutes illégales. Depuis cette date, plus de films, plus l'once d'un espoir de retrouver un jour l'hypothétique version d'un film qui continue de sillonner dans l'imaginaire des spectateurs. Surtout que depuis le 21 août 2012, McTiernan vient d'écoper de 12 mois de prison !