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«Normal», le dernier film de Merzak Allouache
Un arrêt sur image sur la jeunesse
Publié dans Info Soir le 04 - 01 - 2012

Réalisme - Normal, le dernier film du cinéaste algérien Merzak Allouache, a été projeté, hier, à la filmathèque Mohamed-Zinet (Riad el-feth).
Projeté à l'initiative du cine club Chrysalide, ce film réalisé avec beaucoup d'audace, de force et d'engagement, retrace le désarroi, les désillusions et les frustrations de la jeunesse algérienne, une jeunesse en butte à l'hypocrisie sociale.
Il traduit avec vigueur et courage un malaise social de plus en plus insistant, manifeste. Cela apparaît à travers les différents personnages.
Ce film, qui évolue dans un style hybride – c'est-à-dire qu'il combine fiction et réalité – raconte l'histoire d'un jeune réalisateur qui veut faire un film.
Tout commence en 2009, lorsqu'un autre jeune auteur de théâtre se voit refuser l'aide financière à la création par les instances concernées et ce, dans le cadre de la tenue du 2e Festival culturel panafricain. Le jeune réalisateur ayant eu écho de cet état de fait décide ainsi de mettre cela en image, donc de réaliser un documentaire sur la censure. Des scènes sont tournées alors autour de cette thématique, mais au cours du tournage, et de fil en aiguille, le film n'aboutit pas. Il est mis à l'arrêt.
Deux années plus tard. L'on est en 2011. Le jeune réalisateur recontacte les acteurs et actrices pour leur faire part de son projet, celui de relancer le tournage du film, mais en l'orientant sur autre piste, en l'inscrivant dans l'actualité : filmer les émeutes qui, rappelons-le, ont secoué la capitale au début de l'année 2011. Le débat alors est lancé quant à savoir s'il faut ou pas poursuivre le tournage, à savoir l'engagement de la jeunesse algérienne dans le renouveau social et la refonte politique. Les opinions divergent et, parfois, prennent un sens incohérent. C'est à cet instant que tout se mélange, se confond ; les événements se croisent, convergent pour se disperser et prendre des directions diverses et irrégulières. L'histoire est déviée pour aboutir à la situation actuelle dans laquelle vit la société algérienne. Cela confère au film une dynamique particulière, à croire qu'il comporte des séquences vaines et insuffisantes. Car le contenu est décousu ; c'est un patchwork de scènes, d'histoires. Même les acteurs finissent par abandonner leur personnage de fiction afin de recouvrer leur véritable identité et de parler de leur engagement en tant que jeune algérien dans la société aux prises des changements et bouleversements. L'on ne sait plus si l'on est vraiment dans une fiction ou dans la réalité. Ce qui semblait être au départ une fiction, une simple histoire racontée, voit le vécu prendre le dessus. Cela est délibéré. Il s'agit d'un choix stylistique, une touche personnelle, spécifique au réalisateur Merzak Allouache. Le public est effectivement dérouté, déséquilibré et même, par moments, malmené, parce que le film se construit au fil de la narration de façon visible et homogène, mais progressivement tout bascule : la construction du film est désarticulée, puis elle est structurée à nouveau, mais autrement, suivant un cheminement tout à fait hors normes, différentes de celles auxquelles l'on est habitué. Tout fonctionne de manière disparate, mais sans perdre un instant de la narration, le fil conducteur, à savoir la réalité de la jeunesse algérienne. Ainsi, le cinéaste – qui n'arrête pas de nous surprendre quelle que soit la manière – recourt à des séquences documentaires, filmées à l'aide d'une caméra-portée et des flashs-back au point de bousculer la chronologie de l'histoire et de dérouter en conséquence le public, habitué à des films linéaires où il suit confortablement l'évolution du film jusqu'à la séquence finale.
Si au départ, le but du film était de parler du Panaf, subitement l'histoire dévie de son contexte originel pour arriver à l'actualité, à savoir le rôle de la jeunesse algérienne dans le changement sociopolitique.
Le film, réalisé sur la base d'un travail vraisemblablement improvisé (les acteurs et actrices ne récitaient pas leur dialogue, mais l'improvisaient selon l'intuition et les besoins du moment) et d'une réflexion fortement confortée.
Le dialogue est alors vrai, naturel, donc franc ; le jeu, soutenu, évolue d'une manière engagée. Le film est un arrêt sur image sur la réalité algérienne. Il a de la valeur et de l'intensité parce qu'il fait visiblement allusion à ce qui se passe autour de nous – il y a également un clin d'œil aux révoltes arabes. Et si ce film a remporté le prix du meilleur long métrage arabe l'année dernière au festival de Doha-Tribeca, c'est parce qu'il a cette capacité d'exprimer avec courage ce qui se passe dans les pays arabes et de dévoiler, voire de dénoncer la répression.


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