Le Somalien Jama Aden, entraîneur du champion olympique algérien du 1500 m de Londres, Taoufik Makhloufi, qui vient de signer un contrat de deux années renouvelables avec la FAA, nous a accordé un entretien en exclusivité lors de son passage il y a quelques jours à Alger. - Vous venez de séjourner à Alger, peut-on connaître les raisons de cette courte visite ?
C'est une visite très amicale qui m'a permis de revoir ce beau pays que je n'ai pas revu depuis trois années. Le DTN de la FAA, Ahmed Boubrit, a été pour beaucoup pour ce voyage en Algérie. J'ai été fort bien accueilli par le président de la Fédération algérienne d'athlétisme, Badreddine Belhadjoudja. A vrai dire je m'attendais à cette grande hospitalité. J'étais, aussi, très touché d'avoir rencontré le nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohamed Tahmi, qui nous a félicités pour le titre olympique. Le ministre nous a aussi incités à persévérer dans cette voie afin d'atteindre d'autres sommets et décrocher d'autres titres. Le ministre algérien a promis que Makhoufi aura tous les moyens de l'Etat pour réussir une grande carrière. - Parlez-nous du contrat de 2 ans que vous avez signé avec la Fédération algérienne, et de son montant ?
Avec mes amis de la Fédération algérienne d'athlétisme, j'ai signé un contrat de deux années renouvelable. J'ai arrêté le programme de compétition (2013) du coureur Makhloufi et finalisé certains points avec le DTN. L'intégration dans le groupe de deux ou trois Algériens a été aussi débattue et sera finalisée dans les prochains jours. Désolé, quant au montant du contrat, je ne peux le dévoiler. J'avoue que c'est une grande responsabilité pour moi de diriger l'élite algérienne, à leur tête Taoufik Makhloufi. - Quel est le point fort de Makhloufi ?
Le jeune demi-fondeur algérien recèle un énorme potentiel et qu'une grande volonté qui lui ont permis d'atteindre son objectif. Il termine toujours les séances d'entraînement jusqu'au bout, c'est-à-dire dans la limite de ses capacités physiques. Avec un tel mental, Makhloufi a forcé le respect au sein du groupe avec lequel il travaille.
- Est-ce que vous étiez optimiste pour que Makhloufi aille créer l'exploit sur 1500 m aux JO de Londres 2012 ?
Sincèrement, oui. Car au-delà de la grande préparation et la progression qu'il avait réalisées, j'étais convaincu que la médaille d'or était largement à sa portée. Mieux encore, n'était la petite blessure au genou qui l'avait quelque peu gêné, Taoufik pouvait aussi prétendre à la médaille d'argent sur le 800m derrière le Kenyan Rudisha. Au cours de la préparation effectuée dans différents pays, notamment au Kenya, tous ses coéquipiers de l'entraînement avaient présagé une victoire de Makhloufi à Londres. A la fin de chaque séance de travail, ses camarades lui disaient bonne chance pour Londres. Avant les JO, Makhloufi était fin prêt. Les 1'43''88 réalisés au championnat d'Afrique au Bénin étaient un signal fort. Sur la base d'une excellente stratégie tactique et un finish impressionnant, Makhloufi était le mieux placé pour s'imposer sans meneur de train (lièvre).
- Justement parlez-nous de cette médaille d'or ?
C'était un grand honneur pour l'Algérie, pour moi ainsi que pour toute la nation arabe. J'ai suivi la finale du 1500m à travers l'écran géant situé au niveau du stade d'échauffement. - Pourquoi n'étiez-vous pas présent au stade comme tous les coachs ?
C'est ma nature. Même lorsque mon athlète Ahmed Ismail du Soudan avait remporté la médaille d'argent sur le 800m aux JO de Pékin, j'ai suivi la finale via l'écran géant. - Le fait d'avoir contribué au sacre final de Makhloufi, en votre qualité d'entraîneur national du demi-fond du Qatar, n'avez-vous as subi une quelconque remarque ?
Au contraire, le prince héritier, cheikh Tamim Bin Hamad, qui est le président du comité olympique du Qatar, était très comblé après la consécration de Makhloufi aux JO de Londres. Il était doublement heureux qu'un entraîneur national du Qatar parvienne à réussir avec en plus un athlète algérien. - Que pensez-vous de ceux qui ont voulu ternir l'image de Taoufik Makhloufi, notamment certains médias étrangers qui l'ont accusé à demi-mot de s'être dopé ?
Cela ne m'a pas étonné et ne m'étonnera pas à l'avenir. C'est toujours la même réaction et le même mépris quand un athlète arabe crée l'exploit dans les compétitions internationales. Dieu merci, les soupçons de dopage, qui ont pesé sur lui n'ont mené à rien. Makhloufi est propre et net. Les journalistes se sont étonnés de la victoire propre et nette de l'Algérien, qui avait dans ses jambes 3'30''80, mais pas de la médaille d'argent remportée par le surprenant américain Leonel Manzano, dont le record personnel sur 1500m n'est que de 3'32''77. - Pourquoi votre groupe ne compte-t-il pas d'athlètes européens ?
J'estime qu'un athlète arabe ne peut s'entraîner et réussir qu'avec un coach arabe, et un Européen ne peut le faire qu'avec son compatriote.
- A quand la reprise de la préparation après un long break ?
Le lancement de la saison de préparation est fixé au début du mois de novembre. A l'occasion de la reprise, un stage de trois mois est programmé sur les hauts plateaux de l'Ethiopie. Comme je l'ai déjà annoncé, le directeur national de la fédération kenyane d'athlétisme nous a signifié que Makhloufi et l'ensemble du groupe ne sont plus autorisés à s'entraîner dans son pays. Après l'Ethiopie, la préparation se poursuivra en Suède et probablement aux Etats-Unis.
- Quel est l'objectif tracé pour cette saison 2013 ?
L'année 2013 sera consacrée aux Mondiaux d'athlétisme qui se dérouleront à Moscou du 10 au 18 août. L'objectif de Taoufik Makhloufi demeure le titre sur le 1500m et monter sur le podium dans l'épreuve du 800m. Makhloufi tentera de s'attaquer à ses records personnels du 1500m (3'28'') et du 800m (1'42''). On fera l'impasse sur les compétions en salle.