L'attaque perpétrée hier contre une base pétrolière à In Amenas, dans le sud du pays, par un groupe terroriste faisant un mort, des blessés et des otages parmi le personnel étranger de la compagnie britannique BP (British Petroleum) vient rappeler opportunément que l'Algérie était et demeure toujours une cible privilégiée des groupes terroristes activant à l'intérieur ou en dehors de nos frontières. Ceux qui, au sein du pouvoir, pensaient naïvement que l'Algérie bénéficiait d'un quelconque état de grâce, conjoncturel, aux yeux de la nébuleuse intégriste du fait des thèses défendues par Alger par rapport au conflit du Mali, privilégiant en toutes circonstances la solution politique négociée, même après l'intervention militaire française, en sont pour leurs frais. En s'attaquant au personnel d'une entreprise étrangère d'un pays, la Grande-Bretagne, qui participe à la guerre au Mali avec ses avions de transport et sa logistique, le lien est vite établi avec le conflit qui se déroule à notre frontière sud. C'est la première réaction des factions islamistes en rébellion contre l'Etat central malien, qui avaient menacé de «représailles amères» nommément la France pour avoir déclenché les hostilités contre elles, tout en laissant entendre que la menace valait également pour tous les pays qui se rangeraient derrière la France et lui apporteraient un soutien sous une forme ou une autre. Mais derrière la cible étrangère, on le comprend bien, c'est l'Algérie qui est aussi et surtout visée. L'autorisation accordée par l'Algérie pour le survol des avions de chasse français opérant au Mali est perçue par ces groupes comme un acte de casus belli contre eux. Le message des terroristes qui ont frappé hier à In Amenas est double. Il vise, d'une part, à montrer que leur force de frappe est intacte en dépit de la pression exercée sur eux à la suite de l'intervention militaire française et qu'ils pouvaient opérer en toute quiétude dans les Etats voisins. L'objectif étant de tenter d'infléchir la position de ces pays qui représentent, pour eux, leur profondeur stratégique naturelle dans leur plan de repli et de contre-offensive pour se redéployer sur le théâtre des opérations. Par ailleurs, en ciblant un secteur névralgique de l'économie nationale – les champs pétrolifères et les investisseurs étrangers opérant dans ce secteur – le but poursuivi par les terroristes et leurs commanditaires est de paralyser la production d'hydrocarbures en semant la peur auprès des techniciens des sociétés étrangères présentes sur les sites pétroliers et en les poussant à quitter le pays. Le fait est gravissime, car il s'agit là d'un symbole de la souveraineté nationale qui est ciblé. C'est comme si on avait attaqué le Palais du gouvernement ou la présidence de la République. Qu'importe de savoir d'où les groupes terroristes sont-ils venus et de quelle nationalité sont-ils ! De Libye ou du Mali. C'est la facilité avec laquelle l'opération a été montée et exécutée dans une région et contre un site stratégique censé être bunkérisé et fortement sécurisé qui inquiète le plus. Cela signifie qu'après l'attentat de Tamanrasset qui avait visé la brigade de la gendarmerie et en dépit du climat de guerre à notre frontière, les autorités algériennes ne semblent pas avoir pris conscience de l'ampleur du danger qui guette à nos portes et des risques de voir le conflit se transposer chez nous. Demain, d'autres cibles pourraient être visées partout dans le pays, y compris dans la capitale.