C'est peut-être une anecdote mais elle est révélatrice. Il y a quelques jours, lors de la préinauguration du dernier tronçon de la trémie de Chevalley à Alger, une délégation est venue vérifier si tout allait bien pour la venue du Président, prévue pour l'inauguration finale. Inspectant l'ouvrage, une cinquantaine d'officiels sont ensuite allés au café déguster le café de l'effort accompli et du labeur récompensé. Tout en buvant, les 50 officiels se sont mutuellement félicités et, entre deux gorgées, ont mis au point les derniers détails. Puis sont partis. C'est à ce moment-là que le tenancier du petit café a couru derrière la délégation en criant. Immédiatement, et en bon Etat fort, le chef de la sécurité de la délégation s'est interposé, menaçant : « Qu'est ce qu'il y a ? » « Rien, a répondu le cafetier, à part que vous ne m'avez pas payé les 50 cafés. » La délégation s'est énervée, probablement à cause de la caféine et, presque méprisante, a inscrit verbalement le cafetier sur la longue liste des gens à payer un jour. « On va te payer, pas de problème. » Lui aussi énervé, le cafetier a répondu : « C'est ce que vous avez dit la dernière fois. » Renseignements pris, c'est la deuxième fois qu'une délégation vient ainsi se servir sans payer. De là, il y a deux théories équitablement partagées par les nombreux habitants de la cité populaire Armaf de Chevalley. Les officiels pensent que tout appartient à l'Etat, que l'Etat c'est eux et que les citoyens comme leurs cafés sont la propriété de l'Etat, donc la leur. L'autre approche est plus gentille. Elle explique que les officiels ont simplement oublié de payer, ayant pris l'habitude de ne rien payer, tout étant fourni par le beylik. Comme les cafés. Pas de problème ? Sauf que le sucre est devenu très cher et que les officiels ont pris l'habitude de beaucoup sucrer leur café. Et le reste.