Le mausolée de Sidi Abderrahmane El Thaâlibi a accueilli le rituel festif du Mawlid Ennabaoui, célébré dans la pure tradition algéroise. Un rituel qui commence la veille avec la pose d'une nouvelle étoffe sur la sépulture du Saint patron d'Alger. La procession, des femmes en majorité, se dirige vers la pièce qui abrite la sépulture de ce saint, un espace quasiment «sacré», où il faut parfois jouer des coudes pour y accéder. L'ambiance est alors particulièrement mystique : les effluves de «bkhour» (encens) embaument l'air, les prières des femmes, quoique intimes, se font souvent entendre. Et lorsque les meddahine (chanteurs religieux) entament leur incantation à la gloire du Prophète de l'Islam, des youyous fusent de la salle, ajoutant à l'événement une dimension festive, joyeuse. «Je me sens vraiment dans une fête, ma fête pour ainsi dire!», lâche Kheira, la quarantaine, venue spécialement de Naâma pour assister à la célébration du «Mouloud» à Sidi Aberrahmane, bien que sa région regorge de saints et de mausolées. Une autre «adepte» du vertueux Algérois va jusqu'à affirmer l'avoir vu en rêve plus d'une fois : «J'en ai parlé à ma mère, qui m'a conseillé de venir ici, c'est ce que je fais et depuis, j'ai cessé de rêver de lui. Aujourd'hui, je tenais aussi à marquer ma présence en ce jour béni pour emporter un peu de sa baraka !», explique-t-elle. Et à chacune d'y aller de sa propre conviction. Celles qui implorent directement le «Ouali essaleh» en espérant avec ferveur qu'il mette fin à leurs souffrances sont bien nombreuses : tout autour de la sépulture, des femmes âgées et plus jeunes prient avec énergie Sidi Abderrahmane. Elles embrassent un bout du tissu vert, une couleur qui évoque le Paradis pour les croyants, comme pour puiser un peu de cette baraka. Dans une salle voisine, des bougies sont allumées et les prières sont tout aussi ferventes. Chacune est convaincue de pouvoir accéder à la bénédiction du Saint, le tout étant d'y mettre de la «niya» (bonne intention), répète-t-on à souhait. Les prières sont souvent accompagnées d'offrandes diverses, pour s'attirer, en retour, les «retombées» illimitées, croient-elles, de la «sadaka» (l'aumône) et du partage. Les Algérois n'ont pas attendu ce jour du Mouloud pour apporter vivres et autres présents avec comme seule «contrepartie» l'espoir de voir leurs plus profondes prières exaucées. Certains fidèles repartent avec des bouts d'étoffe prévus à leur attention, convaincus de leur pouvoir bienfaisant, pendant que d'autres se contentent de la bénédiction des religieux qui veillent sur les lieux. Face au mausolée, au siège de l'association «Les amis de la rampe Louni Arezki» (ex-rampe Vallée), les adhérents ont tenu à marquer ce jour par une cérémonie symbolique, l'intérêt étant de «perpétuer la tradition», soutiennent-ils. Dans un décor mauresque, le palais El Menzeh a réuni une assistance engagée dans la préservation du patrimoine immatériel algérois, composé notamment d'artistes, à l'instar de Mohamed Khaznadji, récemment honoré par le ministère de la Culture.