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ENI-Saïpem : d'un scandale à l'autre, la corruption ennemie de l'alternance politique en Algérie
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Publié dans El Watan le 11 - 02 - 2013

Le président Bouteflika a proposé, en 2012, de faire de Chakib Khelil le candidat algérien au poste de secrétaire général de l'OPEP.
L'idée a fortement déplu chez ceux qui ont conduit l'enquête qui a déboulonné l'ancien ministre de l'Energie au printemps 2010. Trop de casseroles en instance de clinquants déballages judiciaires. Le bienveillant projet présidentiel de recyclage dans la diplomatie de cartel de son vieil ami a tourné court. Le président a été au-delà de son pouvoir d'assurer l'aman, cette sécurisation par l'impunité, instituée en lubrifiant des rouages de la maison Algérie, en voulant sanctuariser son réseau. L'Algérie est très mal notée par Transparency International, l'ONG qui s'occupe de traquer la corruption dans le monde.
La promotion de Chakib Khelil à l'Opep en 2012 aurait fait désordre l'année suivante. Les nouvelles qui viennent de la justice italienne sont dévastatrices. Près de 200 millions d'euros de pots-de-vin distribués par le groupe pétrolier ENI pour le compte de sa filiale Saïpem à des responsables algériens pour l'obtention de marchés dans le secteur de l'énergie. Les regards à Alger se sont naturellement tournés vers l'ancien ministre protégé du président.
Le staff de Sonatrach de la période des contrats Saïpem, hormis l'ex-PDG Mohamed Meziane, est en détention préventive. Mais les faits incriminés couvrent aussi une période où ce staff n'était pas encore à la tête de Sonatrach. L'instruction a buté plusieurs fois sur l'identification de la responsabilité du ministre de tutelle dans le choix d'un soumissionnaire – Saïpem nettement plus cher que ses concurrents. Intervention politique. Comme en 2005-2006 durant l'instruction de l'affaire Khalifa, qui a vu se faire la part des «clients» à renvoyer en audience et celle à protéger. Il existe deux types de scandales à la corruption. Ceux qui éclaboussent des personnalités encore aux affaires ou protégées par leurs amis aux affaires ; et ceux qui touchent des hommes affaiblis par la perte du pouvoir.
C'est en très grande partie ce qui explique la propension du régime politique algérien à refuser l'alternance. Il y a des chèques de banques hong-kongaises à camoufler. Et pas «seulement» des cadavres dans les placards. Si le président Bouteflika n'envisage toujours pas de passer la main, c'est aussi dans une très large mesure parce que la remontée des enquêtes sur la série de scandales financiers qui ont émaillé ses mandats successifs peut potentiellement le rattraper à travers son entourage. L'économie politique de la corruption à ce niveau de l'Etat se réassure à la pérennité du pouvoir politique. Un peu plus aujourd'hui qu'il y a vingt ans.
En 1992, une autre affaire Eni avait défrayé la chronique algéroise. Et bien plus qu'aujourd'hui. Le président de l'ENI a reconnu avoir versé une commission de 32 millions de dollars à un homme d'affaires libyen, Omar Yahia, réputé être un proche de feu le général Larbi Belkheir. Omar Yahia s'était empressé d'affirmer qu'il avait reversé cet argent en Algérie afin de permettre à Eni de remporter le contrat du doublement du gazoduc Algérie-Tunisie-Italie (Mattei). Dans la foulée, le chef du gouvernement de l'époque, Belaïd Abdeslam, en campagne ouverte contre la corruption –autant que contre le terrorisme naissant – a ordonné une enquête judiciaire auprès du tribunal d'Alger. Sans suite. L'impunité dégrade les mœurs. Et relâche la vigilance.
En 2013, «l'ami nécessaire» pour gagner un gros contrat n'est pas libyen mais algérien. Il s'appelle, selon la gorge profonde qui de toute évidence renseigne la justice italienne, Farid Nourredine Bedjaoui, et aurait reçu la méga commission algérienne à Hong Kong. Un neveu de l'ancien ministre des affaires étrangères algérien, devenu très discret depuis l'éclatement du scandale de l'autoroute est-ouest dans lequel le nom du neveu apparaissait déjà. Les mœurs se délitent, mais les montants des préjudices eux explosent. 32 millions de dollars d'enrichissement illicite à la fin des années 1980, près de 200 millions à la fin des années 2000.
La commission de Omar Yahia n'a pas donné de procès à Alger, le pouvoir politique de l'après-Chadli n'avait pas réellement changé. De même, la méga commission Eni pour le chantier Medgaz ne donnera lieu à aucune poursuite en Algérie. Même si Bouteflika échoue pour se maintenir au poste «d'immuniseur en chef». C'est l'intelligence collective du système qui le veut ainsi. Jusqu'au jour prochain où les revenus énergétiques ne pourront plus couvrir le préjudice d'un équipement acheté trop cher parce qu'un responsable algérien a vendu son accord pour cela.


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