Ce n'est pas l'âge avancé mais une série de scandales baptisés «Vatileaks» qui auraient porté à la démission, hier, de Benoît XVI. Une histoire scabreuse d'argent et de sexe, sur fond de mensonges, d'omerta et de complots de meurtre. Voyage dans les couloirs secrets du palais pontifical. Après huit ans de pontificat, Joseph Ratzinger, 85 ans, a quitté, hier soir, le Saint-Siège pour se retirer dans la résidence estivale de Castel Gandolfo. Lors de son dernier Angelus, il a affirmé, devant les milliers de fidèles venus le saluer, vouloir se retirer pour «prier pour l'église». Si les laïcs restent impassibles face à ce forfait, «c'est un clérical ultraconservateur qui a révolutionné l'église en s'en allant», affirme à El Watan Week-end un journaliste allemand. Les experts des affaires du Vatican soulignent que le souverain pontife aurait jeté l'éponge, las des jeux d'influence exercés par une partie de la Curie romaine. Même après sa démission inédite, le cardinal Joseph Ratzinger fait trembler certains clans ennemis du Vatican. Ses proches affirment que le théologien allemand pourrait rendre public un «rapport choc» qu'une commission d'enquête a rédigé sur sa demande pour jeter la lumière sur la fuite de documents confidentiels, divulgués à la presse. Les services secrets du Vatican avaient pu identifier la taupe, grâce à des écoutes téléphoniques et à des filatures, ce qui a amené à l'arrestation du majordome du pape Paolo Gabriele. Ce dernier s'était défendu en affirmant ne pas «se sentir un voleur» et a assuré avoir agi «par amour pour l'église». Jugé et condamné à dix-huit mois de prison, il en passera deux dans le centre carcéral du Vatican, avant d'être gracié par le pape qui lui rendra visite dans sa cellule. Nettoyage Les documents fuités ont fait l'objet d'un livre, Votre Sainteté, les documents secrets de Benoît XVI, publié par le journaliste italien Gianluigi Nuzzi. Avant son arrestation, Gabriele, la taupe du Vatican, avait révélé dans une interview donnée sous le couvert de l'anonymat à une télévision italienne que Ratzinger voulait «opérer un nettoyage au sein de l'église, mais qu'il avait rencontré beaucoup de difficultés». Sa démission inattendue signifie qu'il n'a pas trouvé la force d'affronter les différents clans et a abdiqué face aux intrigues et aux complots au sein de l'Etat le plus petit au monde. Parmi les scandales qui agitent le Saint-Siège : celui de la banque du Vatican, l'Institut pour les œuvres de religion (IOR), ironiquement désignée comme la «banque de Dieu». Cette influente institution, dont la gestion fait l'objet de luttes intestines féroces, aurait joué un rôle-clé dans le blanchiment d'argent, de la corruption et des malversations. Selon les documents secrets rendus publics, Benoît XVI avait tenté d'y mettre de l'ordre, sans y parvenir. La quantité énorme d'argent qui provient des biens immobiliers, des capitaux, des activités commerciales de l'Eglise à travers le monde, serait gérée par le «clan des Italiens» de la Curie romaine et attise l'appétit des autres. Corruption, malversations, gabegie, détournements, seraient à l'ordre du jour. Le Vatican, pour certains, serait devenu un paradis fiscal et une centrale pour le blanchiment d'argent. Excédé par «la gestion scandaleuse du IOR», un groupe de cardinaux a demandé que l'Institut financier soit tout simplement dissous. C'est l'actuel secrétaire d'Etat (équivalent du Premier ministre), Tarcisio Bertone, et son prédécesseur Angelo Sodano (tout deux italiens) qui sont montrés du doigt car accusés d'avoir couvert les activités illicites de la Banque de Dieu. Certains vont jusqu'à proposer que le prochain secrétaire d'Etat soit non pas un cardinal italien mais un diplomate étranger. En plus de l'argent, un autre mal gangrène l'église : les accusations de pédophilie qui pèsent sur plusieurs prélats. Qu'ils soient eux-mêmes suspectés d'avoir abusé d'enfants lors de leur sacerdoce ou parce qu'ils auraient couverts d'autres religieux au lieu de les dénoncer. Du Cardinal belge Godfired Daneels soupçonné d'avoir couvert des centaines de cas d'abus sexuels commis sur des mineurs, à l'Irlandais Sean Brady, à qui sont reprochés les mêmes délits. L'Eglise américaine est également dans l'œil du cyclone, car elle compte des «complices de pédophiles» parmi ses rangs, comme le cardinal Roger Mahony, ex-archevêque de Los Angeles, mis en examen pour avoir occulté des cas de pédophilie. L'église américaine a payé trois milliards de dollars d'indemnisations aux victimes d'actes de pédophilie de la part de prêtres. L'Afrique compterait aussi ses cardinaux véreux, à en croire la presse italienne. Le Cardinal Ghanéen Peter turkson, considéré comme probable futur «pape noir», serait impliqué dans cette omerta mondiale. Les médias de ces pays ont invité ces représentants à rester chez eux et à ne pas faire le voyage pour Rome, afin de ne pas ôter sa crédibilité au conclave qui devra élire le futur pape. Habemus Papam L'association américaine pour la défense des droits des victimes de prêtres pédophiles, Survivors Network of those Abused by Priests, a annoncé, elle, qu'elle tiendrait un rassemblement à Rome, en concomitance avec la rencontre des porteurs de robes pourpres, avec pour slogan : «Le futur pape doit protéger les enfants». Là aussi, le pape allemand a échoué dans sa tentative d'isoler les brebis galeuses de l'Eglise. Pire, il s'est attiré l'animosité d'une grande partie de l'église américaine et du lobby des homosexuels, selon la presse italienne. Des prélats gays qui entretiennent des «liens mondains» avec des laïcs seraient tombés dans une opération de chantage qui nuit à l'Eglise. Enfin, parmi les documents de Benoît XVI classés «top secret» et rendus publics, une lettre évoque un plan criminel fomenté par un clan hostile au souverain pontife pour attenter à sa vie, afin de permettre à un cardinal italien, Angelo Scola (archevêque de Milan) de prendre sa place. A ce propos, le journaliste Nuzzi raconte que le maire de Milan, Giuliano Pisapia, lui aurait confié avoir constaté que le pape «avait peur» lors de sa dernière visite dans la capitale économique de l'Italie. En attendant de voir qui succédera au pape démissionnaire, la centaine de cardinaux entrera en conclave probablement dès le 10 mars. Les participants se réuniront dans la résidence Sainte-Marthe, située au sein du Vatican, et seront isolés du reste du monde et tenus au secret total durant la période des congrégations générales. Une fois le nouveau pape élu, par un suffrage des deux tiers des votes au moins, une fumée blanche s'échappera à travers une cheminée et les cloches de la basilique Saint-Pierre sonneront. Le doyen des cardinaux se penchera du balcon de la basilique et prononcera la célèbre formule : «Habemus Papam».