En Algérie, il est de certaines réformes comme de toute question fondamentale que l'on veut éluder ou dont on veut amoindrir la portée, un cheminement désormais classique, à savoir constitution d'une commission informelle et discussions interminables pour des résultats insignifiants. Celle de la Constitution à laquelle a fait allusion le président Abdelaziz Bouteflika au lendemain des émeutes de janvier 2011, en plein «printemps arabe», plus exactement en avril de la même année, semble vivre le même sort que toutes les promesses faites auparavant. Et ce, même si tout le monde en parle, la presse, bien sûr, quelques personnalités politiques et le Premier ministre à l'occasion… Ce dernier a quand même fourni un élément intéressant après avoir reçu plusieurs interlocuteurs politiques. Il a ainsi avancé l'idée de soumettre le projet de Loi fondamentale à un référendum populaire dans le cas où elle «viendrait à modifier l'équilibre actuel des pouvoirs» (sic). Sans vouloir engager le débat sur la question de savoir si la Constitution de 1996 – que Abdelaziz Bouteflika ne trouvait pas à son goût et n'aimait pas du tout (qu'il s'est d'ailleurs empressé de modifier pour pouvoir briguer un troisième mandat en 2008) – a introduit en son temps un véritable équilibre des pouvoirs, une chose est certaine, cette révision n'a eu pour résultat que d'aggraver le déséquilibre existant. En fait, elle a renforcé le pouvoir de l'Exécutif entre les mains du président de la République. Le gouvernement n'étant plus dirigé que par un ministre – même s'il en est le Premier – n'est plus responsable que devant le chef de l'Etat. L'Assemblée nationale – élue dans les conditions que l'on sait depuis – a, par la même, perdu ce qui lui restait de semblant de contrôle sur le gouvernement. Alors si cela ne ressemble pas à un renforcement de l'autoritarisme, qui veut qu'en Algérie, depuis au moins 1976, toute Constitution est «taillée sur mesure» pour le chef qui est déjà au pouvoir, bien malin celui qui prouverait le contraire. Exception faite, toutefois, pour celle adoptée sous Liamine Zeroual qui avait introduit une «innovation» dans le fonctionnement du pouvoir en limitant le nombre de mandats présidentiels à deux seulement. Par contre, tout semble indiquer que la révision à laquelle tient Abdelaziz Bouteflika et au regard de l'évolution du contexte national depuis au moins une décennie, notamment avec les scandales et les affaires qui éclaboussent jusque l'entourage immédiat du Président, que l'on s'achemine vers la mise en place de «pare-feux», de «filets de protection» qui mettraient à l'abri, définitivement, le clan et les parentèles impliquées notamment dans la corruption. Une assurance pour la vie en quelque sorte contre toute poursuite judiciaire, une protection infinie de ces derniers qui viendra s'ajouter aux pouvoirs absolus de l'actuel chef de l'Etat ou de son successeur éventuel. Certains observateurs n'écartent d'ailleurs pas la possibilité que Abdelaziz Bouteflika pourrait d'ores et déjà désigner celui qui lui succédera, comme on l'a vu dans d'autres régimes autoritaires tout récemment. Et que pour l'instant, toute cette mise en scène n'aurait comme objectif qu'à lui préparer le terrain.