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Aux origines des scandales
Chakib Khelil, Sonatrach et Saipem
Publié dans El Watan le 03 - 04 - 2013

L'affaire des commissions dans les contrats de Saipem avec Sonatrach illustre parfaitement le drame que vit le pays depuis plusieurs décennies dans sa tentative de décoller sur le plan économique. En donnant des pots-de-vin depuis l'année 2007 pour les contrats qu'elle obtenait, Saipem était devenue un «décideur» dans les activités d'octroi des contrats pour les projets de Sonatrach.
Plusieurs analystes ont déjà fait le parallèle entre le niveau de développement de pays comme la Corée du Sud ou l'Espagne avec l'Algérie au début des années 1960 et le niveau actuel.
Avec des potentialités importantes sur le plan humain et des richesses que beaucoup de pays lui envient, l'Algérie reste toujours dépendante des recettes des exportations des hydrocarbures. La situation dure déjà depuis plusieurs décennies et le bout du tunnel n'est pas encore visible.
Pourquoi l'affaire des pots-de-vin de Sonatrach illustre ce drame ? Pour deux raisons non apparentes et qui sont liées. La première est celle qui a enclenché l'enquête sur les contrats de Sonatrach en 2009 au centre desquels figurait celui du gazoduc GK3 reliant Hassi R'mel à la ville côtière d'El Kala, sur une longueur de 784 km. A savoir que les méthodes dans l'octroi des contrats et la surévaluation du coût ont abouti à des détournements de fonds à travers des pots-de-vin. Le GK3 a été conçu pour renforcer les capacités de transport du gaz naturel du gisement de Hassi R'mel vers le Nord dans la perspective du lancement du projet du gazoduc Galsi, le deuxième pipeline qui doit relier l'Algérie à l'Italie.
La deuxième raison est la neutralisation de toute initiative ou effort visant à développer les moyens nationaux de réalisation ou les moyens de l'engineering.
C'est le 4 juin 2009 que les contrats portant sur la réalisation du GK3 ont été signés. Bien avant qu'il ne soit dévoilé par la justice, le contrat portant sur le lot 3 octroyé à la filiale d'ENI, Saipem, avait déjà fait l'objet de beaucoup de commentaires à l'intérieur même de Sonatrach. Plusieurs observateurs avaient noté un coût élevé pour ce lot.
L'enquête a démarré au mois d'août, juste après la signature du contrat. Depuis les révélations en provenance d'Italie, les langues se délient et on en apprend un peu plus.
L'avis d'appel d'offres a été lancé au mois de février 2007, selon une source de Sonatrach et 13 sociétés avaient été préqualifiées.
Elimination des entreprises nationales
Deux entreprises nationales en consortium avec des partenaires étrangers se sont positionnées pour le projet qui avait été divisé en 3 lots. L'Entreprise nationale de canalisations (ENAC), filiale à 100% de Sonatrach, issue en 1981 des anciennes structures de la compagnie nationale, à savoir la direction des travaux et de la construction de la fin des années 1960, et le groupe Cosider à travers sa filiale Cosider Canalisations. La procédure va durer longtemps et il faudra attendre mars 2009, soit deux années, pour l'octroi des contrats.
Selon une source proche du dossier, lorsque le prix du contrat de Saipem a été communiqué, les cadres de Sonatrach chargés du projet l'ont trouvé trop élevé et ont demandé à leur direction générale de réclamer au moins une baisse de 25% ou d'annuler l'avis d'appel d'offres et de trouver une solution avec des moyens de réalisation nationaux. Des négociations aboutissent finalement à une révision du prix de 12,5%, selon une source de Sonatrach. Ce qui a donné lieu au prix de 580 millions de dollars qui figure sur le communiqué officiel de Saipem. La solution des moyens nationaux n'est même pas discutée.
Le prix du troisième lot, remporté par Saipem, fut rendu public par la compagnie italienne, mais pas par Sonatrach. Cette dernière a communiqué à l'opinion un prix global des trois lots, celui de Saipem, le prix des deux lots remportés par la compagnie égyptienne Petrojet et le prix des tubes, c'est-à-dire plus de 100 milliards de dinars (1,382 milliard de dollars).
La compagnie égyptienne Petrojet a été retenue pour la réalisation de deux tronçons : Hassi R'mel (Laghouat)-Chaïba (Biskra) d'une longueur de 270 km et Chaïba-Mechtatine (Batna) d'une longueur de 163 km. Le montant global était de 21,5 milliards de dinars pour les deux lots, chiffre communiqué par Petrojet. Pour Saipem, le montant était de 42,95 milliards de dinars pour le dernier tronçon de 351 km ou lot 3. L'écart est trop élevé et c'est ce qui a fait beaucoup de bruit, puisque une enquête a été déclenchée juste après, surtout que l'élimination des entreprises nationales était difficilement compréhensible à l'époque. Pourtant, à la fin de l'année 2008, le gouvernement avait décidé de privilégier les entreprises nationales.
En fait, le ministre et les responsables de Sonatrach étaient les otages des dirigeants de Saipem. On le comprendra après les révélations en provenance d'Italie. En donnant des pots-de-vin depuis l'année 2007 pour les contrats qu'elle obtenait, Saipem était devenu un «décideur» dans les activités d'octroi des contrats pour les projets de Sonatrach. Même le ministre n'est pas arrivé à imposer la baisse demandée par les cadres de TRC (activité de transport par canalisations de Sonatrach dirigé par un vice-président). Pourtant, son vis-à-vis n'était que le directeur de la filiale de Saipem-Algérie, à savoir Tullio Orsi. C'est ce dernier qui, en collaborant avec la justice italienne, a donné tout le monde, y compris le patron d'ENI, Paolo Scaroni, et Chakib Khelil.
Selon une source bien informée, le principe arrêté par les responsables du secteur était que le projet du GK3 (lot 3) devait être donné à un «major», en fait à Saipem. La raison invoquée, valable aussi pour le prix élevé, était que le projet était difficile à cause du terrain. Pourtant, le lot 3 fut sous-traité par Saipem avec OGEC et Sicilsaldo.
Ainsi, à cause des pots-de-vin, le ministre et les responsables de Sonatrach étaient devenus les otages des dirigeants de Saipem. Comme quoi la souveraineté dans la décision et les pots-de-vin ne peuvent pas cohabiter. Surtout que d'autres projets à venir, qui portaient sur environ 5 milliards de dollars comme Galsi (2e gazoduc devant relier l'Algérie à l'Italie) et le GR5 (gazoduc devant relier Reggane à Hassi R'mel sur 783 km), pouvaient donner lieu à des pots-de-vin de plus d'une centaine de millions d'euros. Dans ces documents officiels, Saipem parlait de construire Galsi avant même que les actionnaires du pipe ne prennent la décision de le réaliser. Et elle voulait aussi soumissionner pour le GR5, selon une source.
Pots-de-vin contre souveraineté dans la décision
Pourtant, 4 ans auparavant, la partie du gazoduc Medgaz (Algérie-Espagne) se trouvant sur le territoire algérien avait été gérée différemment (gazoduc GZ4 de 638 km).
Le premier tronçon Hassi R'mel-Sougueur de 302 km avait été attribué en mai 2005 au consortium composé de la compagnie espagnole MASA et le groupe algérien Cosider, pour 7,14 milliards de dinars dont 17% en devises.
Le deuxième tronçon reliant Sougueur à Arzew, sur une longueur de 218 km, avait été attribué en février 2006 à un consortium composé de la société libanaise Zakhem et de Kanaghaz, une filiale de Sonelgaz, pour un montant de 93 millions de dollars, alors que le troisième Mohammadia-Beni Saf sur une longueur de 122 km avait été confié au consortium algéro-allemand Cosider-TBS.
Saipem a sous-traité le lot 3 (Aïn Djasser-El Kala-Skikda sur une longueur de 350 km environ) qu'elle avait remporté pour 580 millions de dollars par deux sociétés : OGEC, une société basée à Dubai et au Liban (avec un bureau à Alger), et une société italienne dénommée Sicilsaldo basée dans la ville italienne de Gela.
Si la société italienne a rendu publiques certaines informations comme celle concernant le GK3, il n'en est pas de même pour OGEC qui est pratiquement clandestine, mis à part le fait qu'elle déclare travailler sur certains contrats. Sicilsaldo aurait sous-traité pour Saipem des travaux pour un montant de 50,5 millions d'euros dans ce qu'elle a appelé la phase 2 du lot 3 du GK3 (86 km environ).
OGEC signale qu'elle sous-traite pour Saipem dans le contrat du GK3, mais sans donner d'information. En fait, elle est intervenue dans plusieurs contrats de Saipem en Algérie.
Elle sous-traite aussi pour SNC-Lavalin dans le projet de Rhourde Enouss, où elle doit réaliser 220 km de pipes de différents diamètres 6» à 28». Il faut rappeler qu'au mois de juin 2009, SNC-Lavalin et Sonatrach avaient signé un contrat EPC pour la réalisation des installations de traitement de gaz de Rhourde Enouss Champs-Quartzite Hamra pour 1,077 milliard de dollars. Un contrat derrière lequel serait Riadh Benaïssa, à l'époque vice-président de SNC-Lavalin et actuellement détenu en Suisse pour une histoire de pots-de-vin en Libye.
Pour Saipem, elle sous-traite dans le contrat du gazoduc GK3, dans le contrat de Menzel Ledjmet Est (achevé), toujours pour les pipes et pour le consortium Saipem-Snamprojetti dans le contrat du pipe de GPL (199 km-2007/2009).
Selon une source canadienne, Farid Bedjaoui et un de ses frères seraient d'importants actionnaires de cette société. Pour une source du secteur, ce serait un membre de la famille de l'ancien ministre Chakib Khelil qui aurait introduit la société dans le secteur en Algérie.
Le lit du sous-développement
L'affaire Saipem illustre bien le fait que l'appel aux moyens de réalisation nationaux quand ils existent dans un secteur donné et l'appel aux compétences nationales ne peuvent pas procurer de ristournes en devises payables dans des comptes ouverts à l'étranger, même s'il est vrai que l'appel au savoir-faire étranger est nécessaire. Il est vrai aussi que dans beaucoup de secteurs, les compétences nationales sont marginalisées parce que les acteurs en tant qu'individus ne gagnent rien à faire appel à elles.
Quand on analyse les grands projets en réalisation dans le pays et quand on comptabilise le nombre de bureaux d'études nationaux ou les compétences qui ont été formées pour ces mêmes secteurs d'activité, on se demande pourquoi les responsables des secteurs concernés n'associent pas, même au titre de partenaire, les compétences nationales. Même si la mentalité de «colonisé» reste vivace, elle n'explique pas tout. Après près d'un demi-siècle d'indépendance, l'Algérie ne dispose toujours pas d'une activité d'engineering à la hauteur de ses ambitions de développement.
Dans le secteur stratégique de l'énergie par exemple, à chaque fois qu'il y a eu une tentative de développement de cette fonction à travers une société, elle a été avortée. La pratique des pots-de-vin et de la corruption y est pour beaucoup, et c'est elle en grande partie qui maintient le pays dans un sous-développement que nombre d'observateurs et d'analystes ne comprennent pas, surtout que beaucoup de compétences font le bonheur de diverses sociétés étrangères ici en Algérie et à l'étranger.
Au-delà de l'aspect éthique et moral, la corruption fait le lit du sous-développement en Algérie.
Il faut savoir aussi que toutes les commissions et pots-de-vin qui sont donnés par les sociétés étrangères sont récupérés par celles-ci dans le gonflement des prix ou bien dans les avenants. Et la pratique est en réalité un détournement de fonds opéré sur les biens publics.
Car, même quand le prix est «normal», il y a toujours des avenants qui sont faits pour payer les pots-de-vin. Si le prix de départ est rendu public, le prix final est rarement divulgué.


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