La diplomatie marocaine vient de subir un revers qui devrait l'obliger à revoir ses propres fondements et, d'une certaine manière, finir avec ses certitudes et, dans le même temps, bannir le mot «jamais». Effectivement, devaient dire les hommes politiques marocains, les Etats-Unis ne changeront jamais de politique à l'égard de leur pays, malgré les nombreux signaux, les plus évidents étant l'opposition américaine à l'intégration des territoires sahraouis à l'accord de libre-échange conclu en 2006 avec le Maroc. Ou encore cette fameuse résolution du Sénat américain soutenant le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, alors même que cette instance décidait d'apporter son appui à la mission de l'ancien secrétaire d'Etat à l'époque en charge du dossier sahraoui auprès de l'ONU. Cet appui apporté en 1998 ne manquait alors nullement de pertinence, James Baker, faisant face au blocage du processus de paix par le Maroc. Ou encore les nombreuses missions américaines, dans les territoires sahraouis, dont les conclusions interpellaient avec force l'Administration américaine. Il y a lieu de relever l'accueil réservé par Washington à la militante sahraouie Aminatou Haïdar, présentée le plus officiellement comme une citoyenne sahraouie. L'erreur des Marocains consiste justement à ne pas croire en cette évidence qui se manifeste désormais avec éclat, les dégâts ne pouvant être pour eux que considérables. Ils en ont pris la mesure, il y a quelques jours, quand les Etats-Unis faisaient savoir qu'ils allaient déposer devant le Conseil de sécurité un projet de résolution élargissant le mandat de la Mission des Nations unies pour l'organisation du référendum au Sahara occidental (Minurso) aux Droits de l'homme. Le rapport annuel du département d'Etat sur les droits de l'homme dans le monde devrait consacrer cette fin des certitudes, son style ne laissant aucune place au doute. Et encore faudrait-il souligner, il y a six mois, un rapport avait été adressé par le département d'Etat au Congrès, dans lequel il avait été souligné que la situation générale des droits de l'homme dans les territoires sahraouis soulevait de «sérieuses inquiétudes». Ce précédent rapport était lui-même élaboré en application d'une loi adoptée en 2011 par le Congrès américain, exigeant du département d'Etat de s'assurer du respect des droits de l'homme au Sahara occidental avant l'octroi de toute aide financière militaire au Maroc. L'instance américaine, qui leur a consacré pas moins de douze pages, a dénoncé la violation par le Maroc des droits de l'homme au Sahara occidental en spécifiant que de tels actes visent les Sahraouis et comme cela ne suffit pas, il y est précisé qu'il s'agit d'indépendantistes sahraouis. Y est alors présentée la genèse de la question sahraouie ainsi que les problèmes des droits de l'homme, soulignant qu'«ils sont de longue date et sont liés aux revendications indépendantistes» des Sahraouis. Tout y est : viols, mauvais traitements, torture, des accusations rapportées également par des ONG internationales et locales, avec des rapports jugés crédibles, comme celui du rapporteur spécial de l'ONU sur la torture. Selon le département d'Etat, «la plupart de ces traitements dégradants surviennent suite aux manifestations indépendantistes ou à celles appelant à la libération des prisonniers politiques sahraouis». A ce propos, il cite le cas d'Aminatou Haïdar, attaquée par la police marocaine après sa rencontre avec l'envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross, à la mission de l'ONU à El Ayoun en novembre 2012. Voilà donc l'erreur des Marocains, elle est considérable. En trente-huit ans d'occupation, ils n'ont pas réussi à faire des Sahraouis de bons sujets, comme ils n'ont pu faire admettre le fait accompli colonial. Un terrible échec.