Le département d'Etat américain a publié, vendredi, son rapport mondial 2013, dans lequel il dénonce «la violation par le Maroc des droits de l'homme des Sahraouis au Sahara occidental occupé». Le rapport cite «les actes de violence physique dont la torture des détenus, le recours à la détention arbitraire et l'impunité des forces marocaines». Le département d'Etat a consacré un document de douze pages au Sahara occidental, dans lequel il a présenté la genèse de la question sahraouie ainsi que les problèmes des droits de l'homme dont il souligne qu'«ils sont de longue date et sont liés aux revendications indépendantistes» des Sahraouis. Les Etats-Unis d'Amérique, qui se sont dits favorables à l'élargissement des prérogatives de la Mission de l'ONU pour le Sahara occidental (Minurso) aux principes des droits de l'homme, ont soulevé le courroux du Maroc qui refuse que la mission onusienne s'intéresse à la façon avec laquelle ce pays se comporte avec la population sahraouie, en général, et les détenus sahraouis, en particulier. Une réaction qui n'a pas empêché les Américains de dénoncer «les exactions» commises par le Maroc au Sahara occidental. Tenant à préciser que la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso) ne bénéficie pas d'un mandat de surveillance des droits de l'homme, le département d'Etat américain affirme que «des rapports crédibles indiquent que les forces de sécurité marocaines sont impliquées dans la torture, les coups et d'autres mauvais traitements infligés aux détenus sahraouis». Les ONG (organisations non gouvernementales) internationales et locales «continuent à signaler les abus contre, particulièrement, les indépendantistes sahraouis», alors que «la torture est pratiquée généralement lors des détentions provisoires», note John Kerry, chef de la diplomatie américaine, ajoutant que les militants des droits de l'homme et les indépendantistes affirment que les autorités marocaines les accusaient faussement d'infractions pénales. Outre «les viols commis contre des détenus politiques sahraouis», le rapport américain cite d'autres abus pratiqués par les forces de sécurité marocaines, dont «les coups avec des câbles électriques, l'asphyxie avec des chiffons humides trempés dans l'urine ou de produits chimiques, les brûlures de cigarettes, et la suspension par les bras ou comme un ‘‘poulet ficelé'' pendant une longue durée». Selon le département d'Etat, «la plupart de ces traitements dégradants surviennent suite aux manifestations indépendantistes ou à celles appelant à la libération des prisonniers politiques sahraouis», est-il rapporté. Le rapport du département d' Etat américain cite, à ce propos, le cas de la militante sahraouie Aminatou Haidar, attaquée par la police marocaine après sa rencontre avec l'envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross, à El Ayoune en novembre 2012, et dont la scène, ajoute le rapport, avait été filmée et diffusée sur YouTube. Par ailleurs, le département d'Etat souligne dans ce rapport que bien que les lois marocaines exigent des autorités à enquêter sur les allégations d'abus, «les défenseurs des droits de l'homme locaux et internationaux affirment que les tribunaux ont souvent refusé d'ordonner des examens médicaux ou de considérer les résultats des examens médicaux dans les cas d'allégations de torture». Plus encore, poursuit-il, «la plupart des plaintes ne sont pas examinées, les médecins n'attestent pas des traces de blessures causées par la torture, alors que les ambulances ne sont souvent pas mobilisées pour soigner les blessés lors des manifestations». A ce propos, le rapport américain rappelle qu'après sa visite au Maroc et au Sahara occidental, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, M. Juan Mendez, avait déclaré en mars dernier qu'il avait «de bonnes raisons de croire qu'il y a des allégations crédibles sur les agressions sexuelles, les menaces de viol de la victime ou de membres de sa famille, et les autres formes de mauvais traitements». Se penchant sur le rôle de la police et l'appareil sécuritaire marocains, le département d'Etat affirme clairement dans ce rapport que «l'impunité de la police demeure un problème». Dans ce rapport, le département d'Etat américain répond au Maroc selon lequel «il n'y a pas eu de plaintes dans ce sens». En se référant aux rapports d'ONG internationales et locales, le rapport du département de John Kerry soutient que si le gouvernement marocain prétend qu'aucune plainte n'a été déposée contre la police, «les victimes sahraouies présumées des violations des droits de l'homme avaient déposé, en 2012, davantage de plaintes contre les agents de police et les forces auxiliaires que l'année précédente». Les organisations locales et internationales des droits de l'homme, note-t-il encore, ont affirmé que les autorités marocaines avaient «rejeté presque toutes les plaintes et s'appuyaient uniquement sur la version avancée par la police». Les critiques faites par le rapport américain sur la situation des droits de l'homme au Sahara occidental occupé contredisent le gouvernement marocain qui nie l'existence de prisonniers ou de détenus politiques et revendique que tous ceux qui sont incarcérés ont été reconnus coupables ou accusés de crimes, alors que, note le rapport, les organisations des droits de l'homme et les indépendantistes affirment qu'il y a 74 prisonniers politiques sahraouis. Pour rappel, ce rapport a été précédé, il y a six mois, par un autre qui avait été adressé par le département d'Etat au Congrès, dans lequel il avait été souligné que la situation générale des droits de l'homme dans les territoires sahraouis soulevait de «sérieuses inquiétudes». L'ONG Robert F. Kennedy interpelle le Conseil de sécurité L'ONG américaine Robert F. Kennedy Center pour la justice et les droits de l'homme a publié vendredi dernier un nouveau rapport sur les violations des droits de l'homme des Sahraouis au Sahara occidental occupé et lancé un appel au Conseil de sécurité de l'ONU pour l'élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme. Intitulé : «Vers qui se tourner : les conséquences de l'absence de surveillance des violations des droits de l'homme au Sahara occidental», le document intégral intervient après le rapport préliminaire publié en septembre dernier, établi à l'issue d'une visite effectuée en août 2012 dans les territoires occupés du Sahara occidental par une délégation de cette ONG conduite par sa présidente, Kerry Kennedy, et composée notamment de juristes et d'experts mondiaux en matière de droits de l'homme ainsi que de l'ex-secrétaire général de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Erik Sottas, est-il noté. L'ONG Robert F Kennedy Center précise que son rapport intervient une semaine après que les Etats-Unis aient pris «une décision historique en élaborant un projet de résolution dotant la Minurso du mandat de surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental», qui, note-t-on, sera soumis au vote du Groupe des Amis du Sahara occidental (Etats-Unis, France, Russie, Grande-Bretagne et Espagne) et qui, en cas d'adoption, sera présenté au vote du Conseil de sécurité. La France a annoncé qu'elle ne s'opposera pas à une résolution américaine favorable à l'élargissement du mandat de la Minurso. A ce titre, le directeur des partenaires de cette ONG, Santiago Canton, soutient que «si l'ONU veut faire valoir que les droits de l'homme constituent un pilier de ses missions, les membres du Groupe des Amis du Sahara occidental et le Conseil de sécurité doivent créer un mécanisme au sein de la Minurso lui permettant de recevoir, d'enquêter et d'instruire les plaintes individuelles comme celles citées dans le nouveau rapport de RF Kennedy Center». Le président sahraoui : «Le Maroc est au pied du mur» La réaction sahraouie à ces développements n'a pas tardé à avoir lieu. Dans un discours prononcé lors de la visite effectuée par les participants à la 3e conférence mondiale de soutien à la résistance de la femme sahraouie au ministère des Affaires étrangères sahraoui, le secrétaire général de ce département, M. Radhi Shaiar Bachi, a exhorté «la France à regarder vers l'avenir et rompre avec l'anachronisme du colonialisme». «Au cours de cette semaine, le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination sera pleinement débattu au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, dont la France est membre», a souligné M. Bachir, relevant que ce pays «joue un rôle pivot au sein du Conseil de sécurité et détient la clé bloquant la mise en application du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination». Le président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Mohamed Abdelaziz, a indiqué vendredi dernier à Chahid El-Hafed que le gouvernement marocain est «mis au pied du mur» du fait des appels incessants et du débat engagé sur l'élargissement de la mission de la Minurso à la surveillance des droits de l'homme au Sahara occidental, est-il rapporté. Le président sahraoui a ajouté que «le Maroc est au pied du mur». Pour le président sahraoui, les «pratiques propagandistes du Maroc, qui durent depuis 1975 pour tromper l'opinion publique internationale, sont révolues, surtout avec le débat ouvert sur l'élargissement de la mission de la Minurso aux droits de l'homme», qualifiant la période actuelle de «très sensible».