En 2005, des images du Président malade avaient été diffusées par la Télévision nationale, pas cette fois-ci , alors que le déplacement du Premier ministre et du chef de l'Etat-major de l'ANP à Paris, hier, aurait pu en donner l'occasion. L'opération de communication lancée hier par les hautes autorités du pays sur la santé du Président a alterné le chaud et le froid. Abdelmalek Sellal et le chef d'état-major de l'armée Gaïd Salah se sont rendus au chevet de Bouteflika aux Invalides «pour lui exposer la situation générale qui prévaut dans le pays, tant au plan des activités gouvernementales, que sur la situation politique et sécuritaire», selon l'APS. La visite, qui n'a pas été annoncée dans la journée, a servi également au Premier ministre de rassurer sur l'état de santé du malade. Mais les Algériens n'ont pas eu droit aux images de télévision, que plusieurs sources annonçaient pour le JT de 20h et que l'opinion réclame. La présidence de la République a publié quelques heures auparavant, enfin, un «bulletin de santé» du président Bouteflika hospitalisé à Paris (France) depuis 47 jours. Et pour la première fois, des éléments concrets sur l'état de santé du chef de l'Etat ont été communiqués. Abdelaziz Bouteflika n'a, finalement, pas été victime d'un mini-AVC, mais d'un AVC (accident vasculaire cérébral). Il n'est pas non plus «en convalescence», mais en «période de soins et de réadaptation fonctionnelle». C'est ce qu'a indiqué la Présidence dans un communiqué diffusé, hier par l'APS, en faisant référence à un bulletin de santé de ses médecins accompagnateurs, les professeurs Sahraoui Mohcène et Métref Merzak. «En date du 27 avril 2013, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a présenté un AVC (accident vasculaire cérébral). Les premières investigations faites, dès son admission à l'hôpital militaire Dr Mohamed-Seghir-Nekkache (Aïn Naâdja, Alger), ont révélé la nature ischémique de l'accident sans retentissement sur les fonctions vitales», explique la même source. Et d'ajouter : «A la faveur de ces explorations, une thérapeutique adéquate a été instaurée avant son transfert à l'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce (Paris) pour un complément d'exploration, à l'issue desquelles ses médecins lui ont recommandé d'observer, à l'institution nationale des Invalides, une période de soins et de réadaptation fonctionnelle en vue de consolider l'évolution favorable de son état de santé.» Que signifie une «réadaptation fonctionnelle» ? L'accident dont a été victime le président Bouteflika a-t-il laissé des séquelles ? Selon des explications médicales, oui, puisque il s'agit désormais de travailler pour «minimiser les handicaps et améliorer la qualité de vie». Pour cela, explique un site spécialisé, «patience et persévérance sont essentielles». Le même site souligne que la récupération totale ou en grande partie est possible dans certains cas (35% environ). Il y a donc, pour le cas du président Bouteflika bien des séquelles ou, peut-être, paralysie de certains de ses membres. Bouteflika pourra-t-il reprendre ses fonctions ? La publication du bulletin de santé du Président intervient au moment où, en France, des journaux et des sites d'information évoquent une «détérioration de son état de santé». Lundi, l'hebdomadaire (proche de la droite), Valeurs Actuelles, affirme dans un article sous le titre «Bouteflika, c'est fini», que «le président algérien n'est plus en état de gouverner». Selon le même article, repris hier par le point.fr, Abdelaziz Bouteflika «serait inconscient, mais la nouvelle est gardée secrète pour mieux verrouiller sa succession, sur les plans politique et financier, après 14 ans de pouvoir sans partage». «Recueillie par la rédaction aux meilleures sources, cette information confirme des rumeurs du sérail, indiquant qu'il ne pourra présider les cérémonies de la fête de l'Indépendance, le 5 juillet», ajoute Valeurs Actuelles. C'est peut-être en réponse à ces informations que la Présidence a décidé de réagir en publiant ce bulletin. Car depuis le premier communiqué annonçant le transfert du chef de l'Etat à l'hôpital du Val-de-Grâce à Paris, l'opinion publique nationale n'a eu droit qu'à des déclarations des responsables du gouvernement, à leur tête le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui assurent que «le Président va bien». Mais le fait qu'aucune image du Président n'a été montrée à la télévision depuis son hospitalisation nourrit les doutes et donne libre cours aux rumeurs en tout genre. L'on se souvient qu'en 2005, Abdelaziz Bouteflika avait reçu d'abord la visite du chanteur raï, Cheb Mami, avant d'être montré, au bout de 21 jours, à la télévision en train de discuter avec son médecin. Mais il semblerait que cette fois-ci une telle éventualité est impossible au risque d'enclencher sérieusement la campagne pour l'application de l'article 88 de la Constitution et le commencement de l'après-Bouteflika. Cette campagne a déjà commencé au lendemain du transfert de Abdelaziz Bouteflika en France. Les appels à l'application de l'article 88 de la Constitution relatif à l'état d'empêchement du Président se sont multipliés. Aujourd'hui, les partis de l'opposition, auteurs de ces appels, sont confortés dans leur position. En revanche, les responsables du pouvoir sont affaiblis et leurs assurances ne seront que des mensonges aux yeux de l'opinion. Quelle sera désormais l'attitude des tenants du pouvoir ? Accepteront-ils la réalité ou vont-ils encore exploiter les lacunes de l'article 88 de la Constitution pour gagner du temps, en attendant de préparer la succession ? Le Conseil constitutionnel, que préside Tayeb Belaïz, qui est proche du président Bouteflika, prendra-t-il ses responsabilités pour mettre un terme au blocage institutionnel ?