Le président russe Vladimir Poutine n'est visiblement pas prêt à donner un chèque en blanc à son homologue américain Barack Obama et plus généralement aux dirigeants des grandes puissances, s'agissant de la guerre en Syrie. Alors que les Etats-Unis tentent, ces derniers jours, de mobiliser autour d'eux le monde entier contre le régime d'Al Assad coupable, selon eux, d'avoir usé des armes chimiques, Moscou joue une toute autre symphonie. La rencontre aujourd'hui des dirigeants du G8 en Irlande du Nord risque ainsi de tourner court. Obama aura du mal à convaincre Poutine que son «ami» Bachar Al Assad a effectivement utilisé des armes chimiques contre les rebelles. Le président américain a promis de présenter des «preuves formelles» à son alter ego russe à l'occasion de ce sommet. Mais ces «preuves» ne semblent pas trop emballer Vladimir Poutine en attendant de les découvrir aujourd'hui. C'est en tout cas l'impression qu'il donnait hier lors de la conférence de presse conjointe qu'il a animée avec le Premier ministre britannique, David Cameron, qui l'a reçu à Londres. A J-1 du sommet du G8, le ton est plutôt très réservé de la part de Poutine qui continue de voir d'un mauvais œil les rebelles syriens que les Occidentaux, notamment la France et le Royaume-Uni, voudraient armer au plus vite. Les «preuves» d'Obama à l'épreuve Le président russe a réitéré sa position, à savoir que l'armement des rebelles syriens constituait une entorse au droit international. Il a de son côté assuré que son pays «ne violait pas les règles» internationales en livrant des armes au régime de Damas. Mais Poutine prévient qu'«il en irait différemment» si ses partenaires occidentaux du G8 fournissaient de l'armement aux rebelles syriens. «Nous ne violons aucune règle ou norme et nous appelons tous nos partenaires à agir de la même façon», a-t-il déclaré. Plus offensif encore, le président russe a jeté la pierre dans le jardin de ses partenaires pro-rebelles syriens. «Je pense que tout le monde sera d'accord sur le fait que ça ne vaut pas la peine de soutenir des personnes qui non seulement tuent leurs ennemis, mais mangent aussi leurs organes en public et devant les caméras», a-t-il lancé en référence à une vidéo diffusée en mai, montrant un rebelle syrien éviscérant un soldat. Et à Poutine de lancer non sans une pointe d'ironie : «Voulez-vous appuyer ces gens-là avec des armes ? Mais dans ce cas-là, cela n'a pratiquement rien à voir avec les valeurs humanitaires prônées depuis des siècles en Europe. En tout cas, la Russie ne peut pas l'imaginer», a-t-il ajouté. David Cameron n'a pas jugé opportun de répondre aux mises en garde de Poutine qui lui étaient pourtant destinées entre autres. Il s'est contenté de rappeler que le président syrien Bachar Al Assad «doit partir pour mettre fin au cauchemar de la Syrie». Cet échange plutôt froid entre Londres et Moscou donne un peu le ton de ce que sera le débat au sein du G8 peuplé surtout par des pays acquis aux rebelles syriens. De là à trancher que ce club des riches va décider d'armer officiellement les rebelles syriens, il y a une ligne rouge qu'il est difficile de franchir. Faut-il rappeler, en effet, que l'Union européenne a déjà levé en mai dernier l'embargo sur les armes à destination des rebelles syriens. Mais elle s'est bien gardée de passer à l'acte en livrant effectivement ces armes. Il est vrai que Washington étaient jusque-là extrêmement évasif vis-à-vis de cette décision compte tenu du fait que ces armes pouvaient facilement tomber entre les mains des rebelles mais néanmoins djihadistes. Cependant, Washington semble avoir changé son fusil d'épaule. Echaudé par ses «preuves» que le régime syrien a usé des armes chimiques, Obama a annoncé jeudi dernier une «aide militaire» aux insurgés, sans en préciser la nature. On en saura davantage aujourd'hui.