«Les lois sont pour les chiens dans cette wilaya !» s'est exclamé un responsable à Ben M'hidi que nous avons interpellé au sujet d'une nouvelle agression contre la nature. A El Batah, sur la RN84 A, entre l'aéroport et El Kala, après le pont qui enjambe l'oued Mafragh, pratiquement sur le cordon dunaire au cœur d'une zone dite «écologiquement sensible» en cours de classement en aire protégée, les responsables de la wilaya ont autorisé le défrichement de 10 hectares de formations forestières pour le projet d'une ferme aquacole. Il y en a déjà une sur le site dont la réalisation traîne depuis 15 ans. L'heureux bénéficiaire a obtenu un projet similaire en 1997, resté sans suite et cette fois-ci, miracle de l'administration algérienne, il a obtenu la concession enregistrée sous le n°1891 en moins de quatre jours et au prix de 10 DA le mètre carré ! Cette autorisation transgresse les lois du pays. Elle transgresse la loi-cadre dite «littoral», celle du régime général des forêts et celle des aires protégées. Le Premier ministre et le ministre de l'Agriculture rappelaient, il y à peine quelques semaines, l'impérative nécessité de sauvegarder ce qui peut l'être encore et de faire preuve de discernement dans l'octroi des assiettes foncières. La place pour faire de l'aquaculture ne manque pas à El Tarf. Les spécialistes de cette question nous ont indiqué que des centaines d'hectares, mieux indiquées pour cette activité, se trouvent à quelques kilomètres plus loin sur la route entre Chatt et Sidi Salem. Les défrichements font un véritable ravage dans la wilaya d'El Tarf. Contrairement à ce que rapportent les bilans tronqués, ils surclassent de loin les effets ravageurs des feux de forêt. Pour s'en convaincre, comme nous le montrent des chercheurs de l'université d'El Tarf, il n'y a qu'à comparer, sur Google Earth, les photos satellites de 2006 à 2012 du massif dunaire au nord de la RN84. Loin des yeux, des milliers d'hectares de forêt ont disparu en moins de six ans pour laisser place à des cultures grosses consommatrices d'eau. Tout ceci dans l'illégalité la plus totale mais avec des complicités à tous les niveaux.