Aucun film algérien ne passe inaperçu dans un festival international. Un public suisse nombreux a pu voir Les jours d'avant, de K. Moussaoui à la Sala. Locarno(Suisse). De notre envoyé spécial On serait pourtant tenté de passer très vite sur cette production de 40 minutes, l'histoire d'une rencontre inaboutie de deux adolescents d'une cité populaire, sur fond de violence terroriste. Le garçon et la fille s'observent et chacun reste sur ses positions. Le décor ne paie pas de mine. La musique d'opéra, hors contexte, gâche énormément la vision. L'histoire est traitée au premier degré. Le climat très particulier d'Alger dans les années 90 est très mal capté, très superficiellement évoqué. Manque flagrant de sérieux dans le scénario et manque d'imagination dans les 40 minutes qui semblent une éternité. Tristesse et frustration chaque fois qu'une production algérienne sombre dans la banalité. Locarno se souvient encore du très surprenant et très drôle film de Rabah Ameur-Zaïmèche montré ici il y a deux ans : Les chants de Mandrin. Ce qui signifie que malgré tout le cinéma algérien a toujours la cote du côté du lac Majeur. Mais le festival cette année a aussi trouvé le moyen de montrer un fort mauvais film syrien : Hikayat hob, de Nidal Hassen, projeté dans la salle Pala Vidéo dimanche 11 août. Un petit morceau de propagande. Locarno se souvient de Rabah Ameur- Zaimèche Des propos d'une invraisemblable indigence. Un simulacre d'enquête sur la situation de la femme syrienne. Nidal Hassen, qui se dit kurde, a cherché à présenter à ses producteurs danois n'importe quelle image sur la Syrie pourvu qu'elle soit très négative et que le public occidental y trouve encore quelque chose à dénigrer sur le Monde arabe. Mais il faudrait encore que Hikayat hob (ce titre n'a rien à voir avec le sujet) soit un film. Ce n'est rien du tout. Une suite d'images glauques, apparition de quelques femmes (sont-elles syriennes ?) pour appuyer la campagne orchestrée dans les médias d'Europe et d'Amérique sur l'islam et le Monde arabe. Voici donc un non-film,fait par un réalisateur postiche, financé par une vague maison de production basée à Copenhague. Le bruit court depuis quelque temps que le Danemark donne le spectacle d'une contrée infréquentable. Le programme contient heureusement des choses plus savoureuses. Au Festival de Locarno, il s'est produit une grande effervescence autour d'un film musical sur le rebetiko, musique populaire grecque qui ressemble beaucoup au raï algérien. Indebito (Endetté), long métrage documentaire d'Andréa Segre, est une échappée extraordinaire, lyrique et poétique, magnifiquement filmé dans les lieux nocturnes où se joue le rebetiko. C'est un miracle, c'est très rare qu'un film musical soit si profond, si limpide et si passionnant à la fois. Comme le raï, le rebetiko est né du spleen et du désespoir. C'est un blues mélancolique, des contestation sociale et politique. Il est joué dans les tavernes d'Athènes et de Salonique où il a atterri depuis fort longtemps de Smyrne quand les Grecs, en 1922, ont fui la ville. Assis dans les tavernes autour de tables remplies de bouteilles et de verres, musiciens, chanteurs et public insomniaques passent des nuits entières à célébrer ces chants et cette musique que les autorités considèrent comme «illégitimes». A ce jour, les concerts de rebetiko emplissent les nuits grecques. Le pays est certes endetté, mais la musique est là pour forger l'espoir. Un pur plaisir aussi, c'est le film sud-coréen en compétition : Notre Sunhi, de Hong Sangso. L'histoire de Sunhi, jeune cinéaste, en partance pour l'Amérique, s'avère passionnante. Sunhi est une femme libre et rien ne peut lui être dicté de haut, ni de la part de son professeur qui lui donne une lettre de recommandation élogieuse, ni de ses deux amis cinéastes aussi. Hong Sangso, qui a pris une fois la fameuse phrase de Louis Aragon : «La femme est l'avenir de l'homme», pour en faire un film, nous montre ici que Sunhi n'est pas une enfant et rien ne sert de vouloir lui indiquer un cheminement ou d'essayer d'éclairer sa vie. Sunhi fait un bout de chemin, chaque fois bien arrosé, avec les trois hommes et puis s'en va s'occuper de ses propres affaires. Un film tout bonnement passionant.