Les services de sécurité algériens ont identifié jusqu'à aujourd'hui 30 Algériens tués parmi les djihadistes enrôlés en Syrie. Des groupes armés salafistes en Syrie proches de Djabhat al Nosra ont récemment annoncé la mort d'un groupe de volontaires arabes, dont 3 Algériens morts à Idleb et à Alep : Aounallah Lazhar alias Abou Khaled Al Djazairi, Ali Boukeroua alias Moundhir et Anouar Ghamaz alias Abou Omar. Des chiffres qui contredisent les statistiques publiées fin juillet par l'agence américaine PentaPolis. Cette dernière a recensé 273 Algériens tués dans les combats, selon un recensement effectué sur la base d'actes de décès. «Les Algériens qui ont rejoint l'Etat islamique d'Irak et du Levant, la branche irako-syrienne d'Al Qaîda et Jabhat Al Nosra ne seraient pas plus de 100/120 dont 80 clairement identifiés, affirme un responsable des renseignements. Parmi eux se trouvent des Algériens ayant aussi la nationalité française. Nous avons par ailleurs perdu la trace de 15 d'entre eux.» Parmi eux : Khaled Kemoun Rachedi, originaire de Tébessa. Que sait-on de ces djihadistes ? Les services de sécurité algériens les appellent les «oubliés». Certains sont d'anciens vétérans de l'organisation d'Al Qaîda en Irak et d'autres de Fatah El Islam, venus du Liban. Une origine qui leur a valu le surnom d'«exilés», un terme apparu pour la première fois dans un communiqué de l'Etat islamique d'Irak et du Levant publié par le réseau islamiste Hanin en 2010, une année avant le déclenchement de la guerre en Syrie. Ce communiqué publiait les condoléances d'un certain Selmane Al Mouhadjir : «Il est venu de loin, de la terre du djihad Algérie, et a combattu pendant six ans.» La véritable identité de ce djihadiste n'est pas révélée mais sa nationalité algérienne est une certitude. «Il y a eu en moyenne 6 départs par mois vers la Syrie entre novembre 2012 et juin 2013, poursuit le responsable. La plupart viennent d'Alger, des wilayas de l'Est ou du Sud-Est. Entre juillet et septembre 2012, il y en avait entre 10 et 14.» Aqmi s'oppose Alors que les services avaient prévu une augmentation des départs, suite aux appels de certains oulémas du Caire, le flux s'est finalement asséché. Trois raisons expliquent la baisse des engagements. En premier, le démantèlement des réseaux de recrutement. Les services algériens ont mis en place une cellule spécialisée à Alger qui a identifié plusieurs groupes dans la capitale et dans l'est du pays, mais aussi en Tunisie, en Libye, en Turquie et au Liban. Une autre source explique que les investigations ont mené à des groupes salafistes en Libye, en liaison directe avec Djabhat Al Nosra et l'organisation de l'Etat islamique en Irak et au Levant, qui assuraient la logistique pour les déplacements d'Algériens et de Tunisiens vers la Syrie. Ce groupe libyen aurait facilité le transfuge d'une centaine de Tunisiens et plus d'une cinquantaine d'Algériens. Les recrues rentraient en Libye de façon illégale avant d'être acheminées en Syrie via la Turquie. La cellule, qui place sur écoute les proches des djihadistes algériens en Syrie, travaille en étroite relation avec les services de renseignement français. Autre explication : une prise de position d'Aqmi contre les départs en Syrie. La fondation El Andalus, le bras médiatique d'Aqmi, avait même déclaré «illicite» pour les salafistes d'Afrique du Nord le combat en Syrie au regard des «fronts» déjà existants en Algérie et au Nord-Mali. «Abdelmalek Droukdel n'avait pas non plus envie de voir partir les djihadistes algériens, très expérimentés après leur combat contre les Américains, l'armée irakienne, les milices chiites et les groupes de Sahwa, poursuit notre source. Par ailleurs, ces salafistes nouvellement adoubés par la maison mère pourraient aussi, à terme, représenter une menace contre son autorité.» Dernière raison, enfin, du plus faible nombre de départ : les discriminations font que les djihadistes arabes non syriens seraient victimes. Selon des témoignages de recrues koweitiennes et libanaises, les combattants non syriens font l'objet de suspicions au point que jamais les chefs ne leur donnent de responsabilités.