La mise en place d'une brigade d'investigation fiscale n'est pas près d'aboutir, du moins dans les délais les plus brefs et certainement pas avant la fin de l'année, à en croire les propos tenus, hier, par le directeur général des impôts (DGI) au cours du forum du quotidien Liberté. Interrogé à propos de l'état d'avancement du projet qui aurait permis la mise en place de brigades indépendantes de la Direction générale des impôts et chargées de traquer les fortunes échappant au fisc, Abderrahmane Raouya a rappelé qu'un projet de décret devait effectivement être publié pour permettre la création de ce service. Cependant, le patron du fisc algérien a indiqué que le texte (qui est censé être en cours d'approbation au niveau du SGG, ndlr) est en fait «quelque part dans les couloirs de l'administration», avant de se reprendre et de prétendre tout simplement que c'est un décret en préparation. Volontaire ou pas, le lapsus du DG des impôts renseigne sur l'indifférence affichée par les pouvoirs publics pour la lutte contre le marché informel qui prospère, l'opulence de ses acteurs et contre ces fortunes qui s'amassent grâce aux trafics en tous genres, au blanchiment d'argent et à la corruption. Des pouvoirs publics qui se limitent bien souvent à des effets d'annonce pour désamorcer les polémiques sur des sujets de société essentiels, comme l'inégalité face à l'impôt. En tout état de cause, le patron du fisc ne semble pas mécontent de conserver une certaine exclusivité sur la chasse aux fraudeurs. Il estime ainsi que si le service d'investigation fiscale n'est pas encore en place, la DGI dispose d'une direction de l'information et de la documentation, unité centrale du renseignement fiscal, chargée de la recherche, de la collecte, du traitement et de la restitution de l'information fiscale, laquelle serait l'outil indispensable pour la traque aux fraudeurs éventuels (en plus des SRV chargés de mener les vérifications de la situation fiscale d'ensemble, ndlr). Cependant, malgré toute la bonne volonté affichée, les chiffres démontrent une insuffisance des recouvrements quand il s'agit des riches. Ainsi, M. Raouya, qui a tenté, tant bien que mal, de faire l'éloge des efforts entrepris en la matière, a indiqué que plus de 2000 contribuables, dont la valeur du patrimoine dépasse les 50 millions de dinars, ont versé seulement 1 milliard de dinars. Un montant dérisoire, si on le compare aux 548 milliards de dinars versés en 2012 par les salariés au titre de l'IRG. Des résultats bien pâles que l'on pourrait mettre sur le crédit de moyens jugés bien insuffisants dont dispose l'administration fiscale et ses 23 000 agents pour suivre le contrôle de plus de 2 millions de contribuables. Une situation qui pourrait d'ailleurs expliquer le fait que l'administration fiscale rechigne à renoncer au système de la retenue à la source pour passer au système déclaratif pour les salariés, jugé par M. Raouya comme coûteux et peu rentable. Il reste néanmoins que les services fiscaux pourraient pécher par manque de volontarisme, notamment lorsqu'il s'agit de vérifier les déclarations de patrimoine de certains agents administratifs ou politiques d'ailleurs. Le patron du fisc algérien, qui a insisté sur le fait que l'administration dont il a la charge participe à la détection des cas de blanchiment d'argent et de corruption, a perdu de son aplomb, quand il a fallu évoquer le cas de hauts responsables accusés de corruption et disposant de biens à l'étranger. Sur le ton de la plaisanterie, M. Raouya a indiqué que le fisc pourrait, «s'il le voulait», demander certains renseignements à l'étranger grâce à des accords bilatéraux. Avant d'ajouter sur un ton plus sérieux que les services fiscaux ont déjà eu recours à ce genre de procédures pour certains cas de blanchiment ainsi que des contribuables ayant fait d'objet d'une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble (Vasfe), mais pas pour les cas de corruption connus de tous. Le DG des impôts a aussi précisé que les services fiscaux algériens ne pouvaient systématiquement recourir à ce genre de mesures, à moins que ce ne soit dans le cadre d'un contrôle fiscal, comme cela se fait partout ailleurs. Des propos à méditer…