Poète raffiné, compositeur sensuel, chanteur d'exception et, par ailleurs, ministre brésilien de la Culture, Gilberto Gil continue son odyssée. Mégaconcert à Rome, double et brillante prestation à Barcelone suivie d'une escale sur la côte d'Azur au milieu des jazzmen de Juan les Pins, le Bahianais est « on the road again ». A tous les forums altermondialistes, on retrouve aussi sa dégaine à la Bob Marley. Mais alors comment conçoit-il sa fonction de ministre ? Au dernier Festival de Cannes où il a monté les marches avec les cinéastes cariocas invités, Gilberto Gil avait précisé qu'il avait conclu un arrangement avec le gouvernement de Brasilia. Il assure une certaine présence pour faire son job officiel, mais la priorité, c'est la musique. Dès sa nomination par le président Igniacio Lula da Silva, Gilberto Gil a mis en chantier un projet qui lui tenait à cœur. Un vaste projet : encourager un large secteur de la population brésilienne démunie, à coups de subventions, de suppression de taxes, à rejoindre le secteur de la création artistique. « Le talent des pauvres, leurs voix doivent être connus », dit-il. Lui-même, bien que noir, n'est pas né pauvre. Originaire de Bahia, Gilberto Gil est le fils d'un médecin réputé : statut social élevé, scolarité dans des écoles privées très chics, diplôme universitaire en économie. Virage vers la musique, la vie artistique, une profession de foi très radicale de gauche. Black is beautiful, tendance Marley et Jimmy Hendrix. Cause commune avec Castano Veloso, Maria Bathania, Jorge Ben et toute la clique. On se révolte contre le racisme dans la société brésilienne, on dénonce les énormes inégalités sociales. Dès le coup de force militaire de 1968, Gilberto Gil est arrêté et emprisonné pendant deux mois, sans jugement, sans aucun motif. Il est ensuite expulsé vers le Portugal suite à une grande campagne internationale pour sa libération, lui et son ami Veloso. Gilberto Gil était venu à Cannes (pour l'hommage au « cinéma novo ») afin de réaffirmer son soutien à la crème du cinéma brésilien, aux films devenus des classiques de Vidas Sacas, Terre en transes, Le Dieu noir et le Diable blond, et à leurs auteurs, comme Glauber Rocha, Nelson Pereira dos Santos, qui ont contribué à aiguiser sa conscience politique sur la situation tragique des paysans du Nordeste. Le concept ultraradical de « tropicalisme » est à la musique ce que le cinéma « novo » est à la production audiovisuelle, un concept fondamental, selon Gilberto Gil, pour comprendre le monde, la vie, l'amour, la solidarité...