Une révolution médicale sera bientôt possible en Algérie. La télémédecine ou la pratique médicale à distance. Oui, vous avez bien lu, traiter des patients à travers un écran interposé n'est plus un mythe et ne relève plus de la science-fiction. Les chercheurs du centre de développement des technologies avancées, CDTA, ont déjà réalisé la conception d'une station de télémédecine et a été testée avec succès dans divers hôpitaux. Le projet pilote de la télémédecine en Algérie est réalisé par l'équipe du réseau Système d'information de la division architecture des systèmes et multimédia du centre CDTA, ce concept regroupe toutes les pratiques de médecine permises ou facilitées par le TIC. «C'est un exercice de médecine par le biais de la technologie de l'information et de la communication qui devra permettre une prestation médicale fournie aux patients à distance. On s'inscrit dans le domaine de la e- santé», explique Ali Abbassene, chercheur au CDTA. Il ajoute qu'un groupe d'hôpitaux a été choisi pour la construction et le suivi du développement de ce réseau qui comprend l'hôpital de Birtraria, Ouargla et le centre hospitalier Hadjira de Ouargla. Il nous signale au passage que la population de cette wilaya attend ce projet avec impatience, et ils reçoivent souvent des appels d'autres régions du Sud. Les trois piliers de la télémédecine Les chercheurs travaillant sur ce projet ont divisé la télémédecine en trois applications distinctes mais complémentaires. M. Ali a commencé en premier lieu à nous expliquer la première application : «Le télédiagnostic est un acte médical qui vient au secours des professionnels de santé. Ce dernier permettra aux praticiens d'échanger des dossiers de patients à distance et de diagnostiquer les cas.» La deuxième application de la télémédecine est la téléformation médicale qui permet à un professionnel de santé d'assister à la formation à distance d'un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d'un acte médical, et ainsi offrir un dispositif de formation continue basé sur la visioconférence avec une qualité acceptable et des colloques hebdomadaires (revue de presse médicale, discussions de cas, basés sur l'échange d'images en direct par visioconférence). «Comme exemple, on prend 3 opérations accomplies par un médecin étranger et une par un Algérien, où des étudiants algériens en médecine ont pu assister à distance à cette prouesse ; c'est ce qui définit et rentre dans le cadre de la téléformation», nous apprend Mabrouk Boumaraf, chef de service de développement de logiciels. La troisième application de la télémédecine c'est la téléassistance médicale qui a pour objectif de donner à un professionnel médical la possibilité d'assister à distance un autre confrère pour l'accomplissement d'un soin sur un patient. Au secours des populations des zones isolées Il ne fait guère de doute que la région saharienne souffre d'une pénurie de médecins spécialistes et des structures de soin adéquates. Cette innovation sera une vraie bénédiction pour les populations du Sud algérien pour qui le simple fait d'aller consulter un médecin prend les tournures d'un vrais voyage au cœur de notre immense Sahara. «L'objectif principal de ce projet est de répondre aux besoins des patients qui vivent dans les zones enclavées où il serait impossible pour eux de se déplacer pour se procurer un traitement médical», ajoute M. Ali. La télémédecine a pour but de donner des soins aux patients qui doivent se déplacer sur de grandes distances ou qui ne peuvent pas le faire, comme les patients handicapés afin de voir leur professionnel de la santé. Cette innovation permettra aux malades d'obtenir des soins dans leur propre communauté et région. Cette nouvelle forme de médecine saura régler le problème de la désertification médicale qui est devenu un phénomène sociétal dans les régions isolées du grand Sahara. En effet, 21 séances de télémédecine ont eu lieu, impliquant plus d'une trentaine de médecins spécialistes, généralistes et résidents des établissements participants. Près d'une cinquantaine de cas cliniques ont été présentés grâce à la téléconsultation et parmi un échantillon de cas examinés plus en détails. «80% des patients ont pu être pris en charge localement en évitant un transfert coûteux. En ce qui concerne les patients qui ont dû être transférés, la télémédecine a permis de mieux préparer ces transferts et d'assurer que le patient trouvera sa place une fois arrivé au centre hospitalier universitaire», relate encore Ali Abbassene. Pour les professionnels de santé, le développement de la télémédecine et ces outils offrent la possibilité technique de travailler de manière confraternelle et «transfrontalière». A condition de mobiliser les ressources nécessaires au développement de cette méthode salvatrice, la collectivité pourrait opérer un retour sur investissements à moyen terme : accroissement de l'ambulatoire, prise en charge de nombreuses pathologies sans avoir recours à un transfert, limitation des examens redondants et levier pour l'emploi. Cependant, les principaux obstacles que rencontre ce projet concernent la responsabilité professionnelle, la rémunération des actes médicales, la qualité, la capacité et la sécurité de la connexion internet, la gestion du changement au niveau des organisations et du système de santé, l'implication des décideurs et le financement des projets. «Même si le projet avance techniquement, il reste un frein non pas du côté des patients mais celui de la responsabilité des professionnels de la santé», indique Mabrouk Boumaraf. Enfin, on espère que les premiers pas de la télémédecine en Algérie ne seront pas les derniers, et que cette innovation contribuera à une meilleure prise en charge médicale de tout Algérien quels que soient son emplacement et sa condition sur notre grand territoire.