La programmation de la demi-finale opposant le Mouloudia d'Alger au Widad de Tlemcen, au niveau du stade de Mostaganem, aura-t-elle obéi à des considérations extra-sportives ? C'est la question qui taraude l'esprit des Mostaganémois qui auront passé les journées les plus incertaines de ces dernières années. Arrivés en grands renforts bien avant le jour du match, les supporters mouloudéens auront été des hôtes extrêmement encombrants. En effet, c'est par groupes qu'ils investiront les quelques hôtels de la ville et ce, depuis dimanche dernier, pour les plus téméraires d'entre eux. Mais ils ne se montreront sous leur visage le plus repoussant qu'à la veille du match. Sans doute confortés par l'arrivée des renforts, ils se mettront à sillonner les principales artères de la cité entonnant leurs chants habituels. Rapidement, le centre-ville ainsi que les principaux boulevards résonneront sous les klaxons stridents et ininterrompus. La population, d'abord distraite par autant d'énergie, s'en lassera rapidement. A l'approche du jour fatidique, le vacarme allait doubler en intensité. Déjà durant l'après-midi de mercredi, la circulation passera littéralement sous le contrôle des supporters algérois dont certains n'hésiteront pas à transgresser allégrement le code de la route, empruntant en contresens des voies à sens unique. Mais ce seront incontestablement les commerçants et les cafetiers qui feront les frais de cette déferlante. Arrivant en groupes organisés, certains énergumènes n'hésiteront pas à se faire servir cafés et boissons et partir sans régler. Ces incidents se seraient multipliés au point d'inciter de nombreux commerçants à fermer boutique. Selon des sources dignes de foi, un livreur de boissons gazeuses auraient été pris à partie au niveau de la cité du 5 Juillet. Les Chnaoua lui aurait tout simplement dévalisé toute sa cargaison. Dès 10h du matin, la rumeur d'actes similaires parviendra des quatre coins de la cité. Ce qui aura pour conséquence de plonger la ville dans une torpeur moite, que la chaleur ne fera qu'amplifier. Bien avant midi, seuls quelques commerces de pièces détachées ou d'habillement oseront garder des rideaux métalliques à moitié ouverts. Un épicier de Beymouth affrontera seul un groupe de supporters qui en voulait à ses produits alimentaires. Son stock de fromage et de pain sera liquidé en un clin d'œil. Alors qu'un groupe de jeunes s'était sagement installé sur le trottoir d'en face pour faire pitance, d'autres supporters le cerneront à l'intérieur de sa boutique. L'obligeant à fermer dès 10h du matin. Mais le plus dur allait se produire au niveau du stade. En effet, voyant grandir leurs troupes à grande allure, des centaines de jeunes se décideront à investir l'enceinte du stade. Ne pouvant disposer de billet dont la vente aura été programmée la matinée du match, ils seront nombreux parmi ces fans du MCA à avoir de sérieuses craintes sur les capacités réelles du stade. De concert, ils se décideront à envahir l'enceinte dès 3h du matin. L'information aura rapidement fait le tour des supporters, qui à l'aide de leurs portables donneront l'alerte. Si bien qu'à 6 h du matin, il y avait pas moins de 15 000 supporters sur les gradins et les tribunes. Marée humaine, mais aucune recette Les responsables du stade seront littéralement débordés par ce flux. Ils se rendront très vite à l'évidence. De recettes, il n'y en aura point. Six heures avant le coup d'envoi, toutes les places étaient déjà occupées. Certains supporters, exténués par le voyage et surtout par plusieurs nuits d'insomnies, s'affaleront sous les arbres et dans les travées en attendant l'heure fatidique. A midi, il y avait, selon des évaluations concordantes, entre 25 000 et 30 000 supporters à l'intérieur de l'enceinte. Une véritable marée humaine qu'un service d'ordre impressionnant aura beaucoup de mal à contenir. Evitant soigneusement de tomber dans la répression violente qui aurait fait le jeu des nombreux provocateurs ayant fait le déplacement, juste pour casser. La population mostaganémoise, dans sa grande majorité, aura fait montre d'un sens de l'hospitalité très élevée. A part quelques escarmouches qui sont le fait d'adolescents désœuvrés, les nombreuses échauffourées que l'on signalera au centre-ville et à la cité du 5-Juillet, non loin du stade, seront mises à l'actif de supporters mouloudéens, organisés en des véritables bandes de casseurs. Arrivés tout juste une heure avant le coup d'envoi ; les rares supporters tlemcèniens n'auront droit qu'à une portion congrue du virage Nord. Les passagers d'un minibus rebrousseront sagement chemin. A l'évidence, ni Mostaganem ni, à fortiori, son minuscule stade ne sont en mesure d'accueillir une déferlante comme celle des Chnaoua, dont le nombre peut atteindre plus de 50 000. Composée essentiellement de jeunes, parfois d'enfants en bas âge, - dont le plus grand nombre n'a jamais connu l'ivresse d'une finale de coupe - cette marée humaine est capable du pire. Après 23 ans d'absence d'une finale, on peut comprendre la folie qui s'est emparée de ces jeunes de La Casbah, de Bab El Oued et d'ailleurs. Ce qui est moins compréhensible pour le citoyen mostaganémois, c'est le choix de leur cité pour abriter un événement d'une telle envergure. Pour le Mouloudia, pour ses fans, pour l'amitié indéfectible entre gens de culture des deux cités, juste pour le bon sens, ce choix était malheureux. Si on ne déplore que deux blessés - dont Benouannane Ali, cadreur à l'ENTV, qui aura fait une chute de 25 m - et plusieurs autres dépassements sans gravité, grâce à un sang-froid sans pareil de la population et des services de sécurité, ce n'est pas une raison pour se donner tant de frayeurs, d'insomnies et d'incertitudes.