La conférence de Genève a enfin commencé après quelques ratés. Il a suffi hier d'un bref communiqué pour comprendre que la conférence de Genève pour la paix en Syrie a effectivement débuté. «Les deux délégations se rencontrent en ce moment avec le représentant spécial commun (ONU-Ligue arabe, Lakhdar Brahimi) au bureau des Nations unies à Genève», indiquait hier le texte en question. Court, mais juste ce qu'il faut pour percevoir le tournant pris par cette rencontre qui avait plutôt mal démarré mercredi. Mais était-ce le sentiment le plus partagé, sachant que des situations similaires n'échappent pas à la surenchère ? En négociateur averti, Lakhdar Brahimi n'excluait pas une telle ambiance et n'en paraissait en aucun cas perturbé, puisqu'il avait dès l'automne dernier décidé de déménager ses bureaux et s'installer dans la cité helvétique, la tenue de la conférence n'étant alors qu'une perspective contrariée par le refus de l'opposition d'y aller, sinon par des lectures bien particulières du plan d'action arrêté en juin 2012 par Genève 1. On était alors loin de ses premiers pas dans cette mission, vu qu'il était difficile de succéder à l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, contraint de jeter l'éponge non sans avoir mis en garde contre la militarisation de la crise syrienne et son internationalisation. M. Brahimi a eu à gérer de tels impacts, et en plus l'éclatement de la rébellion et les guerres que se livraient ses différentes factions. Sa perspicacité s'est donc avérée payante. Un premier succès. La guerre, rappelle-t-on bien souvent, est la continuation de la politique par d'autres moyens. Ce qui est vrai, et la guerre syrienne, puisqu'il faut l'appeler ainsi, en est la preuve. Le contraire en est tout aussi fondé en conduisant à ce qu'on considérerait comme une preuve de bon sens. Et jusqu'à hier, les délégations syriennes, aussi bien celle représentant le régime que celle de la rébellion, semblaient avoir intégré de tels paramètres, même s'il y en a d'autres. Et jusqu'à l'ouverture de la conférence Genève 2, il y a ce que les spécialistes appellent la réalité du terrain, et Damas entendait en faire la démonstration en faisant atterrir, presque au même moment, un avion sur l'aéroport d'Alep, ce qui signifie que cette localité a été reprise aux rebelles. Ce sont aussi les fractures au sein de l'opposition, avec des dérives, et même des risques amenant certaines puissances à reconsidérer leurs positions et même à laisser entendre que le maintien au pouvoir de Bachar Al Assad serait la moins mauvaise des solutions envisagées. Ce qui n'a pas empêché l'émissaire international de poursuivre son travail, anticipant même sur certaines décisions, comme celles que prendraient aussi bien Al Assad que la rébellion, les deux parties laissant au moins douter de leur participation à Genève. Ce doute étant levé, reste alors l'objet pourtant connu de la négociation, s'agissant de mettre en œuvre un processus de transition mutuellement accepté il y a dix-huit mois. Ce qui n'a pas empêché hier le ministre syrien de l'Information, Omran Zoabi, de dire que Damas rejetait le projet de gouvernement de transition qui doit en découler. Les opposants ont insisté pour que la déclaration de Genève de 2012, qui prévoit la mise en place par «consentement mutuel» d'une autorité transitoire dotée des pleins pouvoirs exécutifs à Damas –incluant de fait, le départ du pouvoir de Bachar Al Assad – soit la base des discussions directes. «Nous y sommes totalement opposés», a déclaré Omran Zoabi avant le début des discussions. L'on parle jusque-là de rencontre, ou de discussions, laissant ainsi comprendre que la négociation n'a pas encore commencé. Et Damas semble s'y opposer, ses représentants soulignant que «la Syrie est un Etat doté d'institutions». Encore du travail pour M. Brahimi, et même bien plus qu'il n'en faut pour faire admettre les engagements liés au processus de transition. Comme au Liban, en 1989, ou en Afghanistan en 2001.