Dans El Watan du 15 mai, j'ai lu dans l'article titré « Mgr Duval-Albert Camus : deux hommes dans la tourmente », la phrase suivante : « Auparavant, l'écrivain (il s'agit de Camus), en raison de ses positions anticolonialistes, fut exclu du parti communiste et poussé à l'exil. » Il aurait été utile de préciser l'origine de cette information, car tous les livres retraçant la biographie de Camus parlent du « départ » ou de l'exclusion du parti communiste. Un seul parle d'« exclusion » et un autre de « départ » en juillet 19371. Il faut savoir aussi que Camus a adhéré en 1935, non pas au Parti communiste algérien (PCA) mais à la fédération d'Algérie du Parti communiste français. Le PCA a tenu son premier congrès constitutif en octobre 1936. Camus a quitté le communisme en juillet 1937, c'est-à-dire au moment où les communistes adoptent et appliquent des positions plus nationales. Il n'est pas non plus inutile de rappeler que c'est le PCF qui a été à l'origine de la création en France de « l'Etoile nord-africaine » avec à sa tête Abdelkader Hadj Ali. De même, à l'époque, c'est la fédération d'Algérie du PCF qui a lancé, par un texte signé Bartel, le mot d'ordre de l'indépendance de l'Algérie. Que faut-il penser aussi de la raison donnée de la démission de Camus du parti communiste ? Dans la plupart de ses biographies, on prétend que c'est parce que le PC a édulcoré ses positions anticolonialistes. Que penser alors de la déclaration suivante faite par Marcel Dufriche2 en novembre 1951 au procès de militants et cadres nationalistes. Rappelant « la tradition constante de solidarité du mouvement ouvrier français en faveur des victimes du colonialisme », Dufriche poursuit, malgré la colère du président du tribunal : « Le peuple de France est aux côtés de ceux qui luttent pour leur indépendance bafouée, des patriotes... » Au mot « patriotes », le président du tribunal apostrophe les accusés : « Bande de salauds ! Je vous arrangerai la cravate. »3 C'est à ce même président de cette même caricature de tribunal qu'Albert Camus et Jean-Marie Domenach4 ont écrit pour lui demander une « clémence entière » en faveur des accusés. Cela ne veut pas dire qu'au cours d'un combat difficile et complexe, surtout dans une colonie de peuplement comme l'Algérie, des erreurs n'ont pas été commises. Elles l'ont été par tous les partis nationaux, y compris par le PCA, et par le PCF. De là à faire d'Albert Camus une sorte de héros de la lutte anticoloniale en calomniant les communistes, il y a un pas qui ne devrait pas être franchi. C'est pourquoi il serait utile d'y revenir plus longuement. 1 Albert Camus. œuvres complètes. Tome I. 2 Marcel Dufriche était membre de la direction du PCF et de la commission administrative. 3 La guerre d'Algérie, sous la direction d'Henri Alleg, Tome I, pages 358 et 359. 4 Rédacteur en chef de la revue Esprit. - Boualem Khalfa Ancien dirigeant du PCA et du PAGS, ancien directeur d'Alger républicain