Le mouvement Barakat a, une nouvelle fois, réitéré son rejet du quatrième mandat pour Bouteflika lors d'un rassemblement tenu à Alger. D'autres sit-in ont été observés à Constantine, Batna et Tizi Ouzou notamment, lors desquels aucune arrestation n'a été enregistrée. Une victoire. Mobilisés sous la bannière du mouvement Barakat, les opposants à la quatrième mandature du président-sortant ont pu tenir leur rassemblement hebdomadaire après les deux premiers sit-in frappés d'interdiction policière et suivis d'arrestations brutales. Les «Ni Oujda ni DRS», «Non à la police politique», «Non au mandat de la honte», «Non à la mafia politico-financière», «Système, dégage», «Barakat, barakat, 50 ans, barakat» ou encore «Pouvoir assassin» ont résonné en toute liberté pendant plus d'une heure, hier, devant la Fac centrale, à Alger. A gorge déployée, brandissant pancartes et emblème national, les opposants au pouvoir ont hurlé toute leur colère et leur indignation d'une situation politique qu'ils jugent «intenable» et d'une «Algérie que les décideurs mènent droit dans le mur». Au mileu de cette foule compacte, une femme aux cheveux grisonnants, entourée de ses amis, tenant dans ses mains un bouquet de roses rouges. Elle, c'est la combattante du mouvement de Libération, Annie Steiner. D'origine pied-noire, juriste de formation, Steiner est l'une des figures marquantes de la guerre de Libération. Engagée aux côtés du mouvement indépendantiste, elle fut arrêtée le 15 octobre 1956 et condamnée en mars 1957 par le tribunal colonial à cinq ans de réclusion puis incarcérée à la prison de Barberousse avant d'être libérée en 1961. Discrètement remarquable au rassemblement, elle refuse les sollicitations des photographes visiblement pour ne pas voler la vedette aux résistants d'aujourd'hui. Elle s'est contentée de dire : «Je suis venue avec des roses.» Elle en offert une à Wassyla Tamzali, une des figures du mouvement féministe algérien, présente aussi au rassemblement avec d'autres intellectuels. «Je suis venue soutenir la liberté d'expression», a-t-elle lancé. Parmi la foule, l'on remarque également la présence de beaucoup d'universitaires et autres intellectuels. Le sociologue Nacer Djabi, qui avait initié un mouvement d'universitaires contre «les dérives du système politique en place», était présent. L'ancien député Ali Brahimi a tenu également à marquer sa solidarité avec le mouvement. Ali Djerri, ancien directeur du journal arabophone El Khabar, H'mida Ayachi patron du quotidien Djazaïr News, le journaliste-producteur Boualem Ziani, le chroniqueur Mustapha Hammouche étaient aussi sur les lieux du rassemblement, pendant que des figures du mouvement Barakat (ça suffit !), Tizir Dhahbia, Amira Bouraoui, Mustapha Benfodil, Sabrina Zouaoui et Kader Afak haranguaient une foule d'extractions politiques et sociales diverses. Les forces de police, qui lors des rassemblements précédents avaient violemment chargé, se sont contentées, hier, d'établir un cordon empêchant un éventuel débordement de la manifestation. Le changement «tactique» de la police a suscité divers commentaires. «L'interdiction des deux premiers rassemblements et la brutalité avec laquelle les forces de police ont chargé ont eu un effet négatif et l'opinion commence à exprimer sa sympathie à l'égard du mouvement de contestation», a estimé un manifestant. «Probablement, le pouvoir a bien reçu le message envoyé de Paris, l'appelant à respecter les libertés. Ce régime est plus audible aux pressions extérieures qu'aux appels légitimes de la population», réplique un autre. Mais pour les animateurs du mouvement Barakat, c'est «une victoire». «Un droit d'expression et de rassemblement arraché qu'il faut préserver et élargir à d'autres régions du pays pour permettre une convergence des mouvements de contestation opposés au pouvoir en place.» En somme, le mouvement Barakat, frontalement opposé au quatrième mandat et qui a gagné en sympathie, compte mener la bataille «jusqu'au bout» et s'emploie à mobiliser les grandes foules.