Le maréchal Al Sissi, homme fort de l'Egypte, a remis sa démission au Président par intérim Adly Mansour. Mercredi, il a annoncé son retrait de l'armée. Il n'est plus maréchal, ni ministre de la Défense, ni vice-Premier ministre, il compte briguer le poste présidentiel. Abdel Fatah Al Sissi n'est plus maréchal. Vêtu de son treillis militaire «pour la dernière fois», selon ses propres mots, il s'est adressé aux Egyptiens hier soir à la Télévision nationale. Il a annoncé à cette occasion qu'il renonçait à sa place au sein de l'institution militaire égyptienne et son intention de remettre sa démission de ses postes de ministre de la Défense et de vice-Premier ministre, au Président par intérim, Adly Mansour, ce qu'il a fait hier. Pour autant, il ne faut pas y voir une tentative de retrait de la vie politique. Bien au contraire, puisque dans son discours, il a officiellement annoncé sa candidature à l'élection présidentielle qui devrait se tenir «pendant le printemps», comme l'a annoncé le Premier ministre égyptien Ibrahim Mahlab. Al Sissi, nouvel homme fort de l'Egypte, a ainsi justifié sa candidature par «l'appel pressant du peuple à sa candidature», un appel qu'il ne pouvait «ignorer». L'officialisation de sa candidature n'est pas une surprise au regard des signes avant-coureurs des deux derniers mois. En janvier, un quotidien koweitien avait annoncé la candidature du désormais ex-maréchal avant que ce dernier ne démente. En février, lors de son déplacement à Moscou, le président russe Vladimir Poutine avait affirmé que «le maréchal Al Sissi a le soutien de la Russie pour briguer la présidence de l'Egypte». Ainsi donc, le discours donné hier par le principal intéressé n'est que l'aboutissement d'un processus engagé en amont, depuis plusieurs mois déjà. De même, sa décision de quitter l'armée et de démissionner de ses postes au gouvernement constitue les étapes ultimes vers sa candidature. La Constitution égyptienne, promulguée en janvier dernier et acceptée par référendum à plus de 98% par le peuple égyptien, dispose que seuls des civils peuvent se présenter pour briguer la magistrature suprême. Planifié L'usage veut quant à lui que l'homme quitte ses fonctions gouvernementales pour s'adonner à sa campagne présidentielle. Dans le cas de Abdelfatah Al Sissi, le processus qui le conduit à la course présidentielle a été scrupuleusement planifié. Le 3 juillet dernier, il a été à l'origine de la destitution de Mohamed Morsi, issu des rangs des Frères musulmans et seul Président égyptien à n'avoir jamais été élu démocratiquement. Pour ce faire, il s'est muni de la «légitimité de la rue égyptienne», avait-il alors assuré. Par sa présence dans les autorités de transition en tant que ministre de la Défense, il incarnait le retour de l'institution militaire dans les affaires politiques nationales. D'ailleurs, le long conflit qui oppose l'armée égyptienne aux Frères musulmans, depuis la création de ses derniers en 1920, illustre assez largement ce retour à un régime dirigé par l'armée, comme sous l'ère du président Hosni Moubarak, que la rue égyptienne avait également destitué en 2011. Là encore, l'armée avait fini par se ranger du côté du peuple afin de s'assurer une légitimité populaire. C'est cette dernière que le pouvoir brandie une fois encore pour justifier la répression dont les Frères musulmans sont actuellement l'objet au pays du Nil. Décrétée organisation terroriste en décembre dernier, la confrérie est désormais interdite de toute manifestation ou activité politique dans le pays comme le dispose la loi antiterroriste égyptienne de 1994. C'est d'ailleurs en se basant sur cette loi que la justice égyptienne a condamné à mort 529 personnes appartenant aux rang des Frères musulmans cette semaine, une décision qui a provoqué la polémique au sein de la communauté internationale. Solutions Dans son discours de mercredi, Al Sissi a affirmé qu'il ferait de la sécurité «son objectif absolu» s'il venait à être élu Président. En d'autres termes, qu'il continuerait à traquer les Frères musulmans et leurs agissements dans le pays pour une répression qui pourrait même dépasser celle que la confrérie subissait sous Moubarak. Depuis août 2013, 1400 Egyptiens favorables à l'ex-président Mohamed Morsi, ont trouvé la mort dans des affrontements avec les forces de l'ordre. En outre, la situation économique du pays est inquiétante, le taux d'inflation a atteint 10,6% en 2013, selon la Banque mondiale. Le tourisme, principale source de revenu du pays, est en berne en raison de l'instabilité politique et sécuritaire. La population égyptienne est dès lors à la recherche d'une figure forte qui pourrait diriger le pays et substantiellement améliorer la situation socioéconomique du pays. Abdelfatah Al Sissi pourrait bien être cet homme-là. Face à une opposition divisée et grâce à un charisme qui fait de lui l'homme fort de l'Egypte, Al Sissi ne devrait pas avoir de mal à remporter l'élection présidentielle à venir. Cependant, s'il ne répond pas au plus vite aux aspirations des Egyptiens, la rue pourrait de nouveau contester son Président.