L'élection présidentielle en Egypte dont le sort paraissait déjà scellée avec la quasi candidature du maréchal Abdel Fattah Al Sissi prend de nouveaux contours avec une candidature inattendue. Hamdeen Sabbahi, une figure de la gauche égyptienne, a annoncé qu'il se présenterait à l'élection présidentielle prévue dans les trois mois. Il s'agit de la première personnalité politique de poids à annoncer sa candidature au scrutin qui s'annonçait joué d'avance. Se réclamant de l'héritage du nassérisme, Sabbahi avait capté lors de l'élection de 2012 une importante partie du vote des Egyptiens. Arrivé troisième lors de la dernière élection présidentielle Sabahi constituera une alternative pour les Egyptiens qui ne se retrouvaient pas dans les deux principales tendances politiques en vigueur en Egypte, l'armée et les Frères musulmans. Aujourd'hui sa candidature, même si elle engendre certaines interrogations, pourrait donner au scrutin une crédibilité feinte. La victoire du maréchal Abdel Fattah Al Sissi ne faisait jusque là pas de doute et absolument tout concourait vers cette finalité. Al Sissi, vice-Premier ministre, homme fort du pays depuis qu'il a décidé la destitution du président élu Mohamed Morsi en juillet, a été élevée au rang de maréchal, le plus haut grade de l'armée égyptienne. Un honneur interprété par plusieurs observateurs comme un prélude à son retrait de l'institution militaire avant de déposer sa candidature, comme le stipule la Constitution. Très peu de militaires égyptiens ont été élevés au grade de maréchal. Parmi eux figure Hussein Tantaoui, ex-chef du Conseil suprême des forces armées (Csfa), qui avait assuré l'intérim du pouvoir après la révolte populaire de Tahrir qui allait chasser du pouvoir le clan Hosni Moubarak au début de 2011. Aujourd'hui l'armée égyptienne a clairement mandaté le maréchal Al Sissi pour se présenter à la présidentielle. Cependant il doit d'abord prendre sa retraite de militaire pour postuler à la magistrature suprême. Selon des écrits de presse, Al Sissi aurait annoncé qu'il sera candidat à l'élection présidentielle, mais n'a pas encore annoncé officiellement sa candidature. L'armée égyptienne a affirmé que son candidat réserve l'annonce de sa candidature éventuelle «au seul peuple égyptien». Et pour donner du crédit au futur scrutin, Al Sissi et les autorités ont promis qu'ils n'y aura pas de retour aux détestables pratiques en vigueur sous le régime de Moubarak. Du sur mesure pour Al Sissi Le président par intérim, Adli Mansour, a confirmé que le scrutin serait organisé avant des législatives, levant les ambiguïtés sur le calendrier de la transition promise par l'armée. Pour beaucoup d'observateurs, cette inversion du calendrier électoral devrait évidemment servir la candidature d'Al Sissi. Un planning taillé sur mesure pour le militaire devenu en sept mois la personnalité la plus encensée d'Egypte. Mohamed Morsi, déposé le 3 juillet 2013, restera pour l'histoire le seul Président élu démocratiquement en Egypte, et le premier non issu des rangs de l'armée, à diriger le pays. Un intermède vite refermé par l'armée au prétexte ressassé à l'envie de «sauver le pays». Le nouvel homme fort du pays répète depuis lors avoir destitué Morsi en réponse aux demandes de millions de manifestants descendus dans la rue réclamer son départ. Que le peuple égyptien ne voulait plus d'un président qui voulait «islamiser à marche forcée la société». Mais fidèle au régime autoritaire dont il est issue, le gouvernement mis en place par le maréchal Al Sissi depuis la destitution et l'arrestation le 3 juillet du président Morsi, refuse toute opposition. Les Frères musulmans seront soumis à une dure répression et accusés de vouloir déstabiliser le pays. Al Sissi affirmera que, s'il était élu, qu'il appellerait à une alliance entre les pays arabes «pour mener une guerre commune contre le terrorisme». Ainsi avec l'intrusion de Sabbahi la future élection présidentielle en Egypte devient plus alambiquée ouvrant la voie à toutes les lectures possibles et à de multiples scenarios. Un accord secret entre Sabbahi et l'institution militaire pour insuffler un minimum de crédibilité au scrutin n'est pas à écarter. La volonté d'exploiter la tribune de la campagne présidentielle pour se placer comme le principal opposant au système est aussi une explication possible. M. B.