Abdelaziz Belkhadem, conseiller à la présidence de la République, est depuis hier à Genève, où il a rencontré les soutiens de Bouteflika dans la Confédération helvétique. L'information a été confirmée par Mohamed Chabou, le premier responsable de la kasma FLN en Suisse. Joint au téléphone, ce dernier, établi à Zurich, a toutefois souligné : «Effectivement, Belkhadem est en visite à Genève depuis hier. Mais, une chose est sûre : ce n'est pas le FLN qui l'envoie. Il n'est pas passé par les canaux du FLN. Je pense qu'il vient soit au nom de la présidence de la République, c'est-à-dire sur ordre de Bouteflika lui-même, soit de sa propre initiative dans le but évident de réveiller ses anciens réseaux, lorsqu'il était le SG du FLN. La finalité étant le retour au pouvoir par la grande porte». Chabou est formel : par cette intrusion qui ne dit pas son nom, Belkhadem tente de semer la zizanie auprès des partisans de la reconduite de Bouteflika au palais d'El Mouradia. Car, faut-il préciser, à Genève, le président-candidat compte au total trois comités de soutien. Or, officiellement, c'est à l'Algéro-Suisse Aymen Kouidri que Abdelmalek Sellal a confié la direction de campagne de Bouteflika sur tout le territoire helvétique (décision n°972-2014 signée par Abdelkader Ouali). Soit, la seule et unique direction de campagne reconnue par l'ambassade d'Algérie en Suisse, assure et insiste M. Chabou. Quant aux deux autres comités qu'il désigne comme «comités renégats », ils sont conduits, selon ses dires, par des «gens qui n'ont aucune moralité, qui ne cessaient de critiquer l'Algérie, d'attenter à son image, ces opportunistes qui cherchent à se mettre en scène, qui aiment nager en eaux troubles. Un taxi et un makhzenien, qui a de tout temps été un anti-Front du Polisario, sont les meneurs de l'un de ces faux comités de soutien». Des fonds pour Benflis Et le troisième comité ? Il serait mandaté par la famille de Abdelaziz Bouteflika et des proches, des nantis de Tlemcen basés à Genève, a, en outre, indiqué notre source suisse qui a requis l'anonymat, ajoutant d'un ton ironique : «Trois comités de soutien pour Bouteflika contre un seul, un important comité pour le candidat Benflis. Des fortunes algéro-suisses rassemblées par l'ex-ministre et ex-candidat Ali Benouari, qui a une dent contre Bouteflika et son clan. Les gens s'amusent bien.» Cette même source, proche des milieux politiques algériens et suisses, a également tenu à préciser que Aymen Kouidri – resté injoignable sur son téléphone portable durant toute la journée de mercredi – «n'est autre que le fils de Tayeb Kouidri (affaire autoroute Est-Ouest) qui s'est exilé en Suisse depuis l'éclatement du scandale. Aymen Kouidri travaille comme financier à Air Algérie (Genève) et habite Veyrier, une commune genevoise très bourgeoise, il a comme voisin un ancien dignitaire de Sonatrach». Et d'ajouter : «Il est regrettable que la Suisse actuelle ouvre grand ses portes à des gens pareils alors que celle des années 1960 avait facilité les Accords d'Evian et protégé le FLN.» Interrogé sur le statut social de celui sur qui compte Sellal pour convaincre notre communauté émigrée de Suisse, environ 16 000 Algériens, à voter Bouteflika le 17 avril, M. Chabou s'est contenté d'affirmer : «Tout ce que je peux vous dire est qu'Aymen Kouidri est un bon père de famille, respectable. Il a été désigné pour diriger la campagne de notre Bouteflika à Genève et sur tout le territoire suisse. Nous le suivons dans tout ce qu'il entreprend dans ce cadre-là.» Notre interlocuteur reste, par ailleurs, persuadé que même s'il est physiquement diminué, «Bouteflika, à qui nous souhaitons prompt rétablissement, est le seul candidat capable de gérer un pays de la taille du nôtre. Ses réalisations parlent d'elles-mêmes, l'eau, le transport, le logement, la paix, la stabilité. Il ne faut pas être oublieux et cracher dans la soupe. C'est lui qui a ramené la solution au terrorisme, lui qui a mis fin à la tragédie nationale des années 1990. Bouteflika est certes malade mais n'oublions pas que le président Roosevelt a longtemps dirigé les USA alors qu'il était dans un fauteuil roulant». Et de conclure d'une voix émue : «Certes, nous vivons loin de l'Algérie, el khobza (gagner notre pain quotidien) nous y a contraints, mais cette Algérie, nous l'avons dans le sang. Tahya el Djazaïr.»