La vallée du M'zab se trouve aujourd'hui au croisement de conflits de grande ampleur et aux multiples dimensions. Enfermée dans une spirale de violence, la vallée du M'zab est poussée au pire. Installée dans une tension permanente, cette région ne connaît pas de répit. Ses habitants sont épuisés par de longues nuits de violences et d'affrontements, avec leurs lots de victimes et de dégâts, pendant que les autorités politiques du pays persistent dans le déni d'une réalité périlleuse. Le gouvernement, transformé en comité de soutien à la candidature de Bouteflika, regarde ailleurs alors que le M'zab s'enlise. Hier encore, des quartiers Echabbet, Bounoura et Sidi Hebaz de Ghardaïa ont connu des affrontements. Eclatés samedi passé, les heurts ont fait pas moins de quarante blessés et quelques maisons et magasins brûlés. C'est un feuilleton de violence sans fin auquel est livrée la ville de Ghardaïa. Les déplacements inopinés et expéditifs des membres du gouvernement, accompagnés des chefs de la police et de la gendarmerie, sont sans effet. La cohabitation entre Arabes et Mozabites est sérieusement mise en cause. Au point où Abdelmalek Sellal, le directeur de campagne du président-candidat, a prévu d'animer aujourd'hui deux meetings distincts. Un dérapage de trop. L'ex-Premier ministre admet et consacre même cette rupture. Désormais, il s'adressera non pas aux citoyens algériens, mais plutôt à deux populations différentes. Il les renvoie ainsi non à une appartenance nationale, mais à des postures «identitaristes». Les réponses jusque-là apportées ne dépassent pas l'aspect sécuritaire, alors que la crise est d'une telle gravité qu'elle exige du gouvernement une prise en charge sérieuse. Ce n'est pas une visite expéditive du Premier ministre qui mettra un terme à une crise profonde et qui s'aggrave à mesure que le temps passe. Pourtant, des personnalités nationales responsables ne cessent d'alerter sur les conséquences désastreuses à l'échelle nationale de la perpétuation de ce conflit. Des universitaires ne manquent pas non plus d'indiquer les pistes à même de trouver des solutions fiables et surtout durables. Il suffit d'écouter le diagnostic établi par la sociologue Fatima Oussedik – une des meilleures spécialistes de la problématique que soulève le conflit qui mine la vallée du M'zab – pour se rendre compte que, certes, la crise est sérieuse, mais elle mérite un effort politique massif et réfléchi. Force est de constater que le gouvernement manque d'audace et de courage politique pour aborder de front les problèmes que pose Ghardaïa. Il y a certes la question communautaire (Mozabites vs Arabes), agitée en permanence et souvent exagérément, qui sert de masque pour évacuer d'autres questions plus délicates. La vallée du M'zab se trouve aujourd'hui au croisement de conflits de grande ampleur et aux multiples dimensions. Le trafic, voire la confiscation du foncier, un contentieux historique ; le commerce de la drogue ; la propagation tolérée de l'idéologie salafiste radicale et le développement de réseaux maffieux locaux aux ramifications nationales sont autant d'ingrédients pour un mélange explosif.