Culturel et religieux, le fossé entre les deux communautés, mozabite et chaâmba, ne fait que s'élargir tout en les précipitant dans l'incompréhension et le chaos «Nous assistons à une tragédie nationale à Ghardaïa, provoquée essentiellement par l'interruption du dialogue entre les notables des deux communautés, explique Mustapha Kihoul, enseignant-chercheur à l'université de Ghardaïa et mozabite. «Les deux communautés sont issues de deux cultures différentes qui n'ont jamais réussi à cohabiter, du moins, elles se sont maintenues en paix durant des années avec l'éclatement, de temps à autre, de quelques conflits internes. Jusqu'à l'explosion. Aujourd'hui, une seule culture met les deux camps d'accord : celle de la violence.» Deux communautés partageant un seul territoire, la vallée du M'zab, en essayant d'exister, l'une plus que l'autre. Une reconnaissance que les politiques lui ont refusée. «Depuis l'ère Boumediène jusqu'à Bouteflika, notre vallée a été le réceptacle d'incompréhensions. Aucun effort n'a été fait», poursuit M. Kihoul. «La gestion culturelle est la preuve de ce que j'avance. Notre région est conservatrice. Nous avons également plusieurs spécificités, dans les deux communautés. Malheureusement, mal présentées et mal interprétées. Un message négatif est véhiculé à chaque fois. Nous ne sommes pas des tribus enragées, mais nous avons un sérieux problème d'identification, et non identitaire. L'Etat en profite pour préférer les notables d'une communauté à une autre. Même la culture et la religion y passent», conclut-il. Servitude «L'Algérie entière souffre de ce qu'on appelle le “régionalisme“, encore un mot mal utilisé. Il s'agit là de racisme», affirme Saleh Taleb, un sociologue qui a vécu durant vingt ans à Ghardaïa. «Il m'a toujours été difficile d'entendre des gens dire à d'autres : “Rentre chez toi.'' Que ce soit pour un Mozabite ou un Chaâmbi, c'est du racisme. Il est impossible aujourd'hui, avec un Etat aveugle, de promouvoir les cultures du M'zab. On assiste à une extinction programmée de la région, et cela ne m'étonnerait pas que l'Etat y songe, pour régler définitivement les choses», explique-t-il. Au-delà de la mauvaise gestion culturelle et de l'inégalité, il y a un problème fondamental qui est la pratique de la religion, en l'occurrence l'islam et son impact sur la vie sociale et culturelle. Dans une contribution publiée dans El Watan et intitulée «Au-delà du M'zab, au-delà des clans, la servitude», Abderrahmane Hadj-Nacer, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, explique que la religion est prise en otage en otage : «Le succès rencontré par le wahhabisme repose sur deux facteurs assez simples : la corruption et l'organisation d'une religion sommaire et abêtissante, qui s'appuie non pas sur la culture de l'islam, mais sur l'élaboration religieuse d'une culture de la soumission, par la désincarnation de l'islam. C'est-à-dire le fait que les musulmans n'ont plus le droit d'interroger le Texte, ce qui s'est imposé depuis des siècles certes, mais que les wahhabites ont parachevé, parce qu'ils disent que nous n'avons pas besoin de réflexion théologique, que certains sont chargés de réfléchir pour nous, ce qui est parfaitement contradictoire avec l'islam sunnite.»