-Quelles évaluations faites-vous du secteur des télécoms en 2013 ? En attendant la publication du prochain Bulletin trimestriel de l'ARPT pour les chiffres incluant la 3G, un rapport a été publié concernant la 2G, faisant état d'une augmentation fulgurante de près de 15% en nombre d'abonnés, passant de 10,62 millions à 12,45 et un CA (Chiffres d'affaires) de 73 milliards de DA, soit plus de 940 millions de dollars pour l'année 2013. Mobilis, fort de ses 4500 employés, est sans conteste le grand gagnant de l'année 2013 en termes de progression multiforme et à tout point de vue. Alors que de l'autre côté, Ooredoo avec 2500 employés et un nombre d'abonnés qui a augmenté de 5% allant de 9,05 millions à 9,49 millions, l'opérateur a généré un CA en augmentation de 15% avec 85 milliards de DA, soit 1,06 milliard de dollars. Quant à Djezzy, avec 4000 employés, il tourne toujours depuis 5 ans autour de 45% du nombre total des abonnés, soit 17,57 millions à la fin 2013, avec un chiffre d'affaires de 143,1 milliards de DA, soit 1,8 milliard de dollars. Cela, malgré trois événements majeurs dans la vie de cette entreprise. Un premier tassement en 2010, dû certainement au fameux match Algérie-Egypte qui lui a fait perdre plus de 6 points. Cela a été suivi par l'embrouillamini que l'opérateur a eu avec l'Etat. Il est bon de rappeler que les rumeurs concernant la vente de Djezzy couraient bien avant le match. Toutefois, le nouvellement acquis opérateur par l'Etat algérien à hauteur de 51% ne semble pas avoir été tellement gêné par tout cela. En effet, avec uniquement 5 millions d'abonnés de plus que Mobilis, il a fait 2 fois son CA. A quoi va ressembler le futur paysage des télécoms algérien après l'acquisition par l'Etat algérien de 51% du capital de la société OTA? Tout d'abord, c'est un grand ouf de soulagement que nous poussons tous à l'annonce de l'acquisition de Djezzy. Une saga qui aura duré plus de 5 longues années, où il a fallu 3 Premiers ministres, 3 ministres du secteur et un arbitrage international pour venir à bout de cette crise ridicule, car basée sur aucune stratégie. Tout comme de nombreux analystes algériens et étrangers, j'estime que cette acquisition a été une hérésie tant du point de vue économique que politique, car on se retrouve avec deux opérateurs publics dont l'un à 100% et l'autre à 51%, totalisent plus de 30 millions d'abonnés. Il n'est pas tant que ça étrange qu'il y ait deux opérateurs publics, cela existe en Chine. Mais là, la taille du marché le justifie ! Mais alors, comment allons-t-on faire en Algérie avec un marché 20 fois moins important que le marché chinois ? Il existe deux dispositions et une troisième qui serait un mix des deux. La première et en théorie cette situation devrait soit favoriser l'ouverture du marché pour un autre concurrent, profitant du lancement de la 4G/LTE, par exemple, et cela dès 2015-16. La deuxième, dans le cas où ce lancement devait être différé ou tout simplement annulé (le passé récent nous a malheureusement montré que cela était du domaine du possible), et que nous restions avec seulement la 2G et la 3G, le marché n'est pas aussi gros que cela pour justifier alors l'arrivée d'un quatrième opérateur. Nous pourrions alors envisager l'ouverture du marché à des MVNOs (Mobile virtual network operator, opérateurs télécoms virtuels n'ayant pas leur propre infrastructure mais utilisant celles des autres). Le mix serait un lancement de la 4G/LTE qui coïnciderait avec l'ouverture du marché aux MVNOs. Il reste que pour que les deux dernières solutions soient possibles et pour que d'autres domaines à même de développer les TIC et accélérer leur utilisation dans notre pays puissent aussi en profiter, il va falloir réactiver le projet de Loi des Télécoms. Il a été retiré par l'actuelle ministère de la Poste et des TIC à la fin de l'année 2013, après avoir été longuement étudié et débattu par l'APN sans aucune explication et sans aucune date ou délai quant à sa représentation devant les députés. -Quel impact sur les consommateurs ? Le rachat de Djezzy va stimuler le marché. En effet, ce dernier a été bridé dans son expansion pendant toutes ces années de crise. Son retour total sur le marché coïncide avec l'avènement de la 3G. Son agressivité commerciale va être au moins double. Il va d'abord tenter de reprendre ses parts de marché de la 2G, et surtout se placer sur celui de la 3G où, arrivant en fin de course, il a eu l'avantage d'en acquérir la toute dernière technologie et surtout grandement capitaliser sur l'expérience de ses concurrents suite au lancement de leur 3G respective. Dans les deux cas, sa stratégie classique de mettre le consommateur au centre de toutes ses préoccupations va être renforcée par la mise en place du meilleur service et le meilleur prix possible du marché actuel. Je pense que l'arrivée de Djezzy en force va fouetter le marché pour encore plus de réductions et de forfaits attrayants. Courtisé par tous et de partout, le grand gagnant sera le consommateur. Le rôle de l'ARPT est ici primordial pour bien sûr réguler le marché, comme elle l'a toujours fait. Elle doit surtout essayer autant que possible de rattraper et régler les dysfonctionnements générés par un lancement de la 3G fait précipitamment, ce que le consommateur n'arrête pas de ressentir 5 mois après. -A quoi doivent s'attendre les abonnés de l'opérateur Djezzy ? En plus de profiter tout naturellement des changements du marché évoqués précédemment, les abonnés qui sont restés fidèles à cet opérateur devraient maintenant être plus sereins. Ils devraient aussi s'attendre à profiter de cette «normalisation» pour un meilleur service et très certainement de meilleures offres. Il ne serait pas étonnant de voir le management actuel offrir un bonus exceptionnel en guise de remerciement pour cette fidèle clientèle, somme toute exceptionnelle.