Engagée dans un bras de fer avec le pouvoir, l'opposition politique s'affaire, depuis le scrutin présidentiel, à rassembler ses forces en vue d'imposer les termes de sortie de la crise qui bloque le pays et surtout briser le statu quo politique aggravé par le quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika. Un premier bloc politique regroupant des partis traditionnellement inconciliables s'est mis en place autour du mot d'ordre du boycott de la présidentielle. Regroupant le RCD, le MSP, le FJD, Jil Jadid et Ennahda sous la bannière de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique, ces organisations politiques, «dépassant» leurs clivages idéologiques, ont pu créer des passerelles de dialogue et intensifier, dès le lendemain de la présidentielle, des discussions élargies à tous les partis politiques et personnalités nationales de poids dans la perspective d'arriver, à terme, à une conférence nationale de transition. L'objectif est de construire un rapport de forces politiques sur le terrain pour amener le pouvoir à négocier un nouveau contrat politique à même d'amorcer un processus de sortie de crise. Ce bloc politique qui, selon le président du RCD, Mohcine Belabbas, est sur une option stratégique, reste sur une ligne de refus de l'agenda politique du pouvoir. Son rejet des «consultations politiques» a clairement été exprimé. La Coordination voit dans le projet d'une Constitution «consensuelle» une «méthode surannée dont le seul objectif est d'étouffer les revendications de l'opposition et les vider de leur contenu». Si, en effet, cette coalition «hétéroclite» a sans doute envoyé des signes positifs en matière de pratique politique, elle n'arrive cependant pas encore à fédérer toutes les forces d'opposition. La convergence sur l'analyse de la situation du pays n'a pas conduit forcément à une large alliance. Convergence de vues, désaccords de stratégie Les désaccords sur la stratégie à suivre semblent profonds. C'est le cas avec le candidat malheureux à la présidentielle, Ali Benflis, qui refuse jusque-là d'adhérer à la démarche de la Coordination. Benflis semble privilégier, dans l'immédiat, son propre projet de construire un parti politique. Cependant, comme la Coordination, il a déclaré rejeter aussi l'«initiative» du pouvoir au sujet de pourparlers autour de la révision de la Constitution. Une «manœuvre» orchestrée par le régime en place «d'une manière peu subtile pour déplacer l'attention et le débat vers une révision limitée et parcellaire de la Constitution. Un acte de diversion», raille-t-il. Une position qui pourtant n'a pas induit un rapprochement concret avec le bloc de la Coordination. De son côté, le Front des forces socialistes (FFS) qui, pendant la campagne présidentielle, s'est illustré par un silence incompris, fait le choix de jouer en solo. Il semble hésiter à prendre langue avec les autres forces d'opposition. Comment ? En tout cas, les premiers contacts avec la Coordination pour la transition démocratique étaient «timides». Le FFS, qui a mis de l'eau dans son vin depuis son dernier congrès de Zéralda, ne voit plus d'inconvénient à négocier avec le pouvoir autour d'un «consensus national». Restent les personnalités nationales de poids politique et symbolique : certains observent la décantation qui s'opère, mais surtout guettent des signaux du pouvoir qui n'arrivent pas. Mouloud Hamrouche, parmi les plus en vue, estime que la situation post-17 avril a maintenu le pays dans le statu quo. Si «un nouveau consensus national dans la perspective d'un processus de transformation politique» ne s'établit pas, le pays court le risque d'un effondrement. Le chef de file des réformateurs continue de croire que les clés de la solution sont entre les mains du chef du DRS, le général de corps d'armée Mohamed Mediène et du chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah. Il espère voir la classe politique et sociale suffisamment préparée pour le «D day». Il apparaît, à l'aune des enjeux de l'heure, que l'opposition, longtemps enfermée dans des «sectarismes anesthésiants», tente d'impulser au mouvement politique un rapport de forces lui permettant de négocier le virage du changement. Ses leaders croient fermement, à la faveur de cette nouvelle dynamique, redessiner une nouvelle carte politique.