La crise ukrainienne aura finalement induit des conséquences plutôt inattendues sur le marché gazier européen. Alors que les consommateurs de l'UE multipliaient les appels en faveur d'une diversification accrue des approvisionnements en gaz pour réduire la dépendance du marché à la Russie, voilà que Gazprom abat l'une de ses cartes majeures et aligne les prix du gaz vendu à l'Europe sur celui du marché spot. Un fait inédit et qui aura forcément des conséquences sur les aspirations d'un producteur comme l'Algérie. S'il est vrai que du côté de Sonatrach, on s'était bien gardé d'afficher des positions pro-européennes afin de ne point froisser le grand Ours blanc, il faut bien dire que la position feinte sur le vieux continent en faveur d'une diversification des approvisionnements pouvait ouvrir des opportunités pour la compagnie nationale d'hydrocarbures. C'était sans compter sur l'opportunisme européen. Samedi, l'italien ENI annonçait donc être parvenu à un accord avec Gazprom pour l'indexation des prix du gaz sur ceux du marché spot. Un événement qui mettra certainement à mal les positions du Forum des pays exportateurs de gaz concernant la préservation des contrats à long terme et l'indexation des prix du gaz sur ceux des produits pétroliers, vu que c'est l'un de ses principaux membres qui y renonce. ENI a poussé son opportunisme jusqu'à faire le parallèle avec Sonatrach. Ainsi, l'agence britannique Reuters rappelait hier que la fin de 50 années d'indexation des cours du gaz russe sur ceux du pétrole était un précédent sur le marché européen et pourrait ainsi permettre aux acheteurs du vieux continent d'user de cet argument pour les négociations futures. D'ailleurs, le nouveau patron d'ENI a sciemment choisi de rappeler samedi à travers les colonnes de Il Sole 24 Ore que la major italienne ambitionnait de réviser à la baisse les prix du gaz livré par Sonatrach via le gazoduc Enrico Mattei.