Le russe Gazprom vend une partie de son gaz aux prix du marché spot en Europe, barrant ainsi la route à l'Algérie qui le cède aux prix indexés sur ceux du pétrole. Une opération qui intervient au moment où le Forum des pays exportateurs de cette énergie fossile (FPEG) tente d'unir ses membres sur des prix consensuels lors du sommet du 19 avril à Oran, qui se tiendra en marge de la Conférence internationale du gaz naturel (GNL 16). En effet, son directeur général, Alexandre Medvedev, a précisé dans un entretien accordé au Financial Times que 10% à 15% des ventes de Gazprom seront liées aux prix spot jusqu'en 2012, en signalant en ces termes : «Le marché spot joue un certain rôle et nous avons fait en sorte de tenir compte de ce rôle dans nos contrats sans en changer les principes de base». Gazprom fait ainsi concession devant ses clients européens, alors que l'Algérie facture son gaz à travers des contrats à long terme aux prix basés sur les cours du brut. Cette formule est adoptée par l'Algérie depuis plus de trente ans dans les grands contrats d'approvisionnement en gaz. L'indexation est considérée comme un moyen qui permet de garantir la compétitivité du gaz vis-à-vis des autres énergies. Ce qui n'arrange pas les pays consommateurs européens qui voudraient s'approvisionner en gaz au moindre coût pour continuer à faire fonctionner leur machine économique aux dépens des pays du Sud. La réunion d'Oran du FPEG sera l'occasion de réunir plusieurs ministres des pays producteurs de gaz autour du forum pour relancer le débat sur la formule d'une Opep du gaz pour garantir l'avenir des exportations de ces pays, avait estimé le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil. L'Algérie vise à exporter 85 milliards m3 par an de gaz naturel d'ici 2012 avec la concrétisation des projets en cours, tels que le Medgaz qui sera opérationnel en juin prochain et les projets des usines d'Arzew et de Skikda (12 milliards m3), ainsi que celui du Galsi avec une capacité de 8 milliards m3, projets visant l'approvisionnement du marché européen. S'agissant de l'évolution des prix, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit la fin de la bulle gazière en 2015. Donc, l'éventualité que les Russes poursuivent la vente de leur gaz sur le marché spot n'est pas à écarter. Un risque pèse sur les recettes algériennes attendues. Après des mois de négociations, Gazprom a, en effet, accepté de modifier la formule des prix qui régit ses contrats européens de long terme avec l'allemand E.ON Ruhrgas, le français GDF Suez, l'italien ENI et le turc Botas, en tenant compte désormais des prix spot. Il s'agit en fait de prix fixés sur les Bourses du gaz qui n'échappent pas à la spéculation, faut-il le noter. Des risquent pèsent sur l'Algérie Les Européens veulent renégocier leur partenariat énergétique stratégique avec l'Algérie sur la base d'un prix du gaz inférieur à celui indexé au marché pétrolier. Tous les moyens sont bons pour défendre ses intérêts, l'Europe, après avoir misé sur le gaz algérien lorsque la Russie constituait une menace sur les approvisionnements européens avec le conflit qui l'opposa aux Ukrainiens, maintenant que les relations avec le géant du gaz se stabilisent, elle tente de diviser les pays exportateurs dont ses deux principaux fournisseurs, la Russie et l'Algérie. Selon les économistes algériens, l'Algérie n'a pas la taille nécessaire pour concurrencer la Russie sur le marché européen. En tant que premier pays producteur, la Russie a des capacités largement plus importantes que l'Algérie, selon eux. Jusque-là, les prix sur le marché spot n'ont pas affecté l'Algérie, selon Khelil, pour lequel «l'Algérie détient assez de réserves en gaz», sans pour autant les quantifier, en ajoutant qu'«elle en possède plus que les volumes qu'elle a engagés dans ses contrats à long terme au prix international indexé sur celui du pétrole». Or, «le marché du gaz vit une mauvaise passe», a-t-il révélé, en soulignant que «la négociation des prix à l'exportation est de plus en plus serrée et tourne à l'avantage des pays importateurs». Donc, «une révision des prix n'est pas écartée pour les contrats à long terme», s'est-il inquiété en janvier dans un entretien accordé au journal jordanien El Sabil, avec l'avènement d'un marché dit «spot aux Etats-Unis. Il faut dire que cette montée en puissance de ce marché a bouleversé les prévisions des pays exportateurs de gaz, dont l'Algérie. Cette dernière tente de favoriser un partenariat stratégique entre les grands producteurs, comme la Russie, lors du FPEG qui aura pour objectif de défendre un meilleur prix du gaz. Des contrats gaziers à court terme comme option de sortie Il est à signaler que le marché spot a eu comme conséquence de réorienter sur l'Europe le gaz devant être exporté aux Etats-Unis. Le marché spot a fait dégringoler les prix du gaz sur le marché spot. C'est pourquoi M. Khelil a appelé les pays membres du FPEG à se mettre d'accord sur une stratégie pour obtenir un prix juste du gaz. Il a indiqué que l'objectif du forum consistera donc en l'échange d'informations sur les contrats gaziers. Il faut dire que chacun des pays membres garde ses contrats de vente de gaz à long terme très confidentiels et ne dévoile jamais le prix de vente de son gaz sur le marché. Pour rappel, le FPEG a été créé en 2001 à Téhéran et compte 15 membres : l'Algérie, la Bolivie, Brunei, l'Egypte, l'Indonésie, l'Iran, la Libye, la Malaisie, le Nigeria, la Guinée équatoriale, le Qatar, la Russie, Trinidad et Tobago, les Emirats arabes unis et le Venezuela auxquels se joignent 2 pays observateurs, à savoir la Norvège et le Kazakhstan. Le FPEG a été officialisé le 23 décembre 2008 à Moscou, lors de la 7e session ministérielle qui avait adopté le statut du forum et désigné Doha comme siège de l'organisation.