L'annonce, la semaine dernière, par la major italienne ENI de la conclusion d'un accord avec le russe Gazprom d'un contrat de vente de gaz sur la base des règles du marché spot, a fait l'effet d'un séisme sur les marchés internationaux. Vile manipulation, une contrevérité glissée dans le communiqué publié par ENI à dessein, et relayée à grande échelle par de nombreuses agences de presse, l'objectif étant de déstabiliser les exportateurs de gaz. A ce titre le directeur de Petrostratégies, Pierre Terzian, a eu à cœur de rétablir certains faits. Celui qui explique qu'en fait ENI, qui à travers ce communiqué visait le double objectif de mettre la pression sur ses fournisseurs de gaz, tout en permettant une remontée des cours de son action sur le marché, apporte un éclairage dans le dernier numéro de la revue Petrostratégies. Il est ainsi expliqué qu'ENI a glissé une phrase plutôt ambiguë dans le communiqué publié le 23 mai 2014 et qui disait ceci : «L'accord (conclu le 23 mai avec Gazprom) implique une réduction des prix de fourniture et un changement important dans l'indexation de prix pour l'aligner complètement sur le marché.» La presse en a tout de suite conclu que Gazprom avait renoncé à l'indexation des prix du gaz russe sur les prix d'achat et vente de pétrole en Italie. Ce qui a eu pour effet de pousser les analystes du marché à en déduire que la performance financière d'ENI allait. C'est ainsi qu'en plus d'avoir enrayer des pertes sur deux semaines, le cours de l'action ENI a grimpé de 6% en quelques jours. Petrostratégies remet cependant en cause ce genre de conclusions hâtives, qui peuvent être néfastes pour les marchés gaziers et les exportateurs de gaz telle que l'Algérie. Si en Algérie, on en faisait une interprétation allant dans le sens d'une réduction de la marge de manœuvre de Sonatrach et augurant de sombres perspectives pour nos exportations vers le marché européen, les faits sont têtus et il s'avère aujourd'hui que la Russie n'a en aucun cas renoncé aux principes fondateurs du marché gazier. Le directeur de la revue basée à Paris explique ainsi qu'«il faut interpréter avec la plus grande prudence la déclaration d'ENI», vu que «le communiqué de Gazprom parle seulement d'un addendum aux contrats existants de fourniture de gaz à l'Italie et de la signature d'un document qui amende le contrat d'achat/vente de ‘‘flux bleu'' russe à la société italienne». Il explique, par ailleurs, que la déclaration, le lendemain, du président russe, Vladimir Poutine, à Saint-Pétersbourg concernant la compétitivité du gaz par gazoduc car basé sur des méthodes de prix testées et efficaces, fait clairement allusion au maintien de référence à l'indexation sur le pétrole. Petrostratégies indique aussi que Gazprom a accepté d'indexer des prix d'une part de son gaz (10 à 15%) sur le marché spot, ainsi que de réduire les obligations d'enlèvement de leurs clients mais que cela ne remet pas en cause pour autant le principe du take or pay. L'éclairage de Petrostratégies sonne aussi comme une incitation à bien y regarder au cours de la renégociation des contrats entre fournisseurs traditionnels et clients européens. Il explique ainsi, qu'au plus fort de la crise en 2008, l'écart entre les prix du gaz indexés sur le pétrole et ceux du marché spot étaient de 50%, chose qui a poussé les consommateurs européens à demander une renégociation des contrats d'achat/vente de gaz. En 2013, cet écart est à 11%, même si les arbitrages et les renégociations continuent. En fait ENI a clairement signifié que l'accord conclu avec Gazprom devait servir de clef de voûte pour ses renégociations avec d'autres fournisseurs, à l'image de l'Algérie. L'objet de la manipulation devient ainsi cristallin.