Le gouvernement français n'accordera pas à GDF Suez la hausse de 7% des tarifs du gaz qu'il demande, et veut réformer leurs règles d'évolution, actuellement adossées aux cours du pétrole et qui conduisent le groupe gazier à réclamer des augmentations trimestrielles importantes. Ce que je peux vous dire avec certitude, c'est qu'il n'y aura pas au 1er octobre une hausse de 7% du gaz, a assuré la ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Delphine Batho, avant-hier, sur la radio RTL. Elle n'a pas précisé quelle augmentation le gouvernement pourrait concéder au groupe gazier, ajoutant que la décision, entre les mains du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, serait annoncée en début de semaine prochaine, lundi ou mardi. Je n'ai pas de chiffre à vous donner ce matin. Nous allons examiner d'abord en détails cette demande. Il y a une partie qui correspond à l'évolution des tarifs d'achat du gaz sur les marchés internationaux, a expliqué Delphine Batho. Au delà de ce nouveau bras de fer avec GDF Suez, la ministre a annoncé son intention de proposer fin septembre une réforme du système de fixation des tarifs réglementés du gaz, critiquant dans le système actuel une sorte de loterie, où l'opérateur demande une hausse des prix, où l'Etat est mis au pied du mur. Cette réforme sera, selon elle, évoquée lors de l'examen cet automne de la proposition de loi instaurant des tarifs progressifs de l'énergie, présentée la semaine dernière. Ce qui mobilise le gouvernement, c'est de protéger le pouvoir d'achat des Français, par tous les leviers possibles et d'agir pour réduire cette facture énergétique, a-t-elle fait valoir. GDF Suez n'a pas souhaité commenter ces annonces, le groupe attendant que le gouvernement détaille ses propositions. GDF Suez a réclamé aux pouvoirs publics une hausse de 7% de ses tarifs au 1er octobre, relançant son conflit avec le gouvernement, qui avait limité leur progression à 2% cet été. Réforme casse-tête En principe, les tarifs du gaz sont révisés tous les trois mois, selon une formule de calcul supervisée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et qui est censée refléter l'évolution des coûts du groupe gazier. Or, le groupe s'approvisionne principalement via des contrats à long terme, dont les prix sont traditionnellement adossés sur les cours du pétrole.Notre contrat de service public nous donne des obligations d'assurer l'approvisionnement gazier du pays, ce qui n'est possible que grâce à de tels contrats, et ces contrats sont indexés sur le pétrole. On peut les renégocier avec nos fournisseurs, mais seulement jusqu'à un certain point, fait valoir une source au sein du groupe gazier. Mais, du fait de l'envolée actuelle des cours de l'or noir, cette formule conduit GDF Suez à réclamer de fortes hausses de tarifs depuis plusieurs années. Ceux-ci auraient dû normalement augmenter de 7,3% en juillet, pour couvrir les coûts du groupe, mais le gouvernement avait décidé de plafonner leur progression au niveau de l'inflation, soit 2%. En réformant le système d'évolution des tarifs, le gouvernement espère sortir de cet imbroglio. Le chantier s'annonce néanmoins très compliqué. GDF Suez est fermement attaché au principe que les tarifs doivent couvrir ses coûts. Y déroger pourrait s'avérer contraire aux règles de la concurrence françaises et européennes, notamment si l'opérateur était amené à vendre à perte. Plusieurs de ses concurrents, regroupés dans l'association Anode, n'entendent pas non plus se laisser faire. Pour eux, limiter les tarifs de GDF Suez revient à étouffer une concurrence qui a déjà bien du mal à exister. Le gouvernement Ayrault sait qu'il avance sur un chemin semé d'embûches. Le Conseil d'Etat a cassé le gel des tarifs que l'ancienne majorité UMP avait imposé fin 2011, et il a imposé cet été que GDF Suez puisse facturer rétroactivement à ses clients son manque à gagner lié à ce gel, évalué à près de 300 millions d'euros. Les tarifs du gaz, une mécanique très complexe Les tarifs réglementés du gaz, objets d'un nouveau bras de fer entre le gouvernement et GDF Suez, sont révisés tous les trimestres et doivent en principe permettre au groupe gazier de couvrir ses coûts d'approvisionnement en gaz naturel, selon une formule complexe. Des règles, mises en place il y a une décennie avec l'ouverture progressive à la concurrence des marchés de l'énergie, prévoient que les tarifs réglementés de vente de gaz doivent couvrir les coûts de fourniture des opérateurs et que les décisions sur ces tarifs sont prises par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), comme l'explique celle-ci sur son site internet. Ces coûts de fourniture comprennent des coûts d'approvisionnement (l'achat du gaz auprès de producteurs internationaux), et des frais annexes (d'acheminement, de transport et de distribution). Or GDF Suez se fournit en gaz naturel via des contrats à long terme (15 à 20 ans) conclus notamment avec le géant russe Gazprom et d'autres fournisseurs comme la Norvège ou l'Algérie. Et les prix de ces contrats sont eux-mêmes révisés tous les trois mois selon trois facteurs: les cours du pétrole, la parité euro/dollar et, à hauteur d'environ 26%, le prix du gaz sur les marchés à court terme (ou marché spot) Tous les trois mois, GDF Suez s'adresse donc à la Commission de régulation de l'énergie pour réviser ces tarifs. La CRE vérifie ensuite qu'ils sont conforme à une formule mathématique de calcul décidée par le gouvernement, qui intègre ces différents facteurs. Depuis plusieurs années, l'envolée des cours du pétrole a conduit à des hausses conséquentes des tarifs du gaz. Mais l'exécutif garde la haute main puisqu'il peut passer outre l'avis de la CRE, comme l'a fait le gouvernement Ayrault en décidant cet été de plafonner la hausse du gaz à 2%, alors que la formule aurait dû conduire à une augmentation de 7,3%, d'après la CRE. Ces règles ont déjà été revues à plusieurs reprises. La dernière fois remonte à la signature en décembre 2009 du contrat de service public liant GDF Suez à l'Etat. La formule de calcul, elle, a été modifiée le 1er janvier dernier, pour augmenter la part des contrats indexés sur le marché spot, qui est passée de 10 à environ 26%.