En vertu d'un accord signé entre l'entreprise Google et l'Office national des droits d'auteur et droits voisins (ONDA), les artistes algériens recevront désormais une rémunération en contrepartie de leurs performances diffusées sur la plateforme de vidéos en ligne, YouTube. «Cet accord de partenariat avec YouTube permettra aux auteurs, compositeurs et créateurs de musique algériens de bénéficier d'une juste rémunération au titre de la diffusion de leurs œuvres et prestations artistiques en Algérie.» C'est ainsi que l'Office national des droits d'auteur et de droits voisins (ONDA) a présenté, dans un communiqué de presse, son accord avec le géant de la Toile, Google, qui possède YouTube, la plateforme de partage de vidéos en ligne la plus populaire au monde. «Désormais, YouTube paiera une redevance à l'ONDA et aux artistes algériens, sur le modèle de la radio, afin de disposer de la licence de l'ensemble de la production musicale algérienne», se réjouit ainsi Sami Bencheikh El Hocine, directeur général de l'ONDA et artisan de cet accord : «Cet accord est le fruit d'un long processus, puisque nous avons pris contact avec Google pour la première fois, il y a quatorze mois. Maintenant, l'accord est signé officiellement. Ceci dit, il a été signé électroniquement par les deux parties depuis plusieurs mois et il est entré en vigueur depuis deux mois et demi. L'Algérie fait partie des douze premiers pays à parvenir à assurer ce qui n'est autre qu'un droit pour les artistes.» La concrétisation d'un droit, que le DG de l'ONDA qualifie de «victoire des artistes algériens». Le statut de musicien en Algérie est réputé être assez précaire et cet engagement pris par YouTube va permettre à plusieurs artistes de toucher «une rémunération assez importante», estime Sami Bencheikh El Hocine, sans avancer un chiffre précis, «une clause de confidentialité dans le contrat» l'en empêche. Dans des pays comme les Etats-Unis ou la France, l'artiste touche aux alentours de 1000 dollars pour 1 million de vues. «Pas au courant» Et pourtant, ce qui devrait être une nouvelle majeure dans le champ musical algérien n'a en réalité eu que très peu d'échos parmi les principaux intéressés, à savoir les artistes. Abdou El Ksouri, membre du groupe Djmawi Africa, n'était ainsi «pas du tout au courant de cette initiative». Sadek, membre du groupe Demokratoz, qui se sert de YouTube pour se faire connaître et qui, face à l'engouement engendré par leur titre sur la Toile algérienne, et qui prépare actuellement son premier album, affirme «ne pas du tout avoir été mis au courant de cette nouvelle». La nouvelle a cependant été accueillie avec enthousiasme. Abdou El Ksouri déclare ainsi : «Si cela est avéré, ce serait vraiment super, surtout pour des groupes comme le nôtre qui a dépassé le million de vues sur YouTube.» Un autre groupe qui pourrait largement profiter de cette nouveauté est Babylon, révélation de 2013 dont les vidéos dépassent les 23 millions de visites. Le label Papidou, qui a signé le groupe, salue également les efforts de l'ONDA : «C'est quelque chose de positif pour les artistes algériens, surtout la nouvelle scène, pour qui YouTube représente un outil inégalé en termes de publicité et de communication», a ainsi déclaré son responsable, Nabil Benasser. Pour l'ONDA, il s'agissait avant tout de s'adapter aux modifications qu'impose la numérisation de la musique à l'échelle mondiale : «L'exploitation des œuvres artistiques par YouTube pose problème à l'échelle mondiale, elle a un caractère presque abusif puisque n'importe qui dans le monde peut accéder directement à ce contenu», déplore S. Bencheikh El Hocine. Ya Rayah «Cette démarche s'inscrit dans la volonté de l'ONDA de s'adapter à la numérisation de la musique et à la diversification des canaux de distribution. La crise de l'industrie musicale n'existe que parce que nous avons mis trop de temps à contester internet plutôt qu'à le maîtriser et s'y adapter», poursuit-il. Pour ce qui est de la maîtrise, l'ONDA dispose d'assez larges prérogatives puisque «si un artiste souhaite le retrait d'une vidéo pour une quelconque raison, il nous suffit d'envoyer un simple mail à Google pour que cela soit fait dans les 24 heures, ce qui procure aux artistes algériens une véritable sécurité» en termes financiers mais aussi concernant la propriété intellectuelle, selon le DG de l'ONDA. Et d'ajouter : «Il est anormal, par exemple, que les héritiers de Dahmane El Harrachi sollicitent constamment l'ONDA pour défendre leurs droits, alors que Ya Rayah continue d'attirer des millions d'internautes sur YouTube.» Ainsi, artistes confirmés et nouvelle scène bénéficient de cette révolution qui ne semble pour l'instant ne poser aucun problème logistique, même si Nabil Benasser dit «attendre plus d'informations sur la concrétisation de ce projet». Mustapha Rahmouni, chargé des évènements musicaux à l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), évoque lui aussi Ya Rayah, une chanson «qui a fait des ravages partout dans le monde» et qui par cet accord «pourra être récompensée, comme il se doit et comme elle le mérite».