Sans connaître un quelconque rebondissement, la guerre en Irak suscite de très nombreuses réactions internationales, avec un trait commun, une nette convergence par rapport à ce qui se passe dans ce pays. Après avoir convenu que l'Irak connaît «une crise existentielle», ou encore qu'il est menacé de démembrement, toutes les puissances extérieures à la région craignent pour cette dernière. En d'autres termes, une régionalisation ou, encore, une extension aux pays de la région. Nul doute que ces réactions interviennent en retard car, à vrai dire, elles ne sont pas nouvelles, l'ONU en ayant fait état dès le début du conflit syrien et, ainsi que l'a révélé dernièrement l'ancien diplomate algérien, Lakhdar Brahimi, les premiers signes de la fracture irakienne sont apparus une année après l'invasion américano-britannique, soit en 2004, les hommes politiques irakiens se montrant à cet égard totalement aveugles. La plus récente déclaration vient de Russie, celle de son vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, qui a affirmé hier à Damas — le lieu n'est en aucun cas fortuit — que son pays «ne restera pas les bras croisés face aux tentatives des groupes de propager le terrorisme dans les pays de la région». Il a souligné aussi que «la situation est très dangereuse en Irak et menace les fondements de l'Etat irakien» tout en insistant qu'en Syrie comme en Irak, la solution ne pouvait venir que d'un «véritable dialogue national». Un simple vœu ? Rien, en effet, ne semble arrêter le processus de destruction de l'Irak même si le Premier ministre irakien a fini, lui aussi, par se prononcer en faveur d'une solution politique. Ce qu'il aurait dû faire il y a bien longtemps, et ne jamais attenter, quand bien même cela n'aurait-il pas été son intention véritable, à l'équilibre confessionnel et non pas exercer une totale domination sur les autres ethnies du pays. En ce sens, le grand ayatollah Ali Al Sistani, la plus haute autorité religieuse chiite d'Irak, a appelé, vendredi, les dirigeants irakiens à s'unir et à former un gouvernement d'union face à l'offensive fulgurante lancée par des insurgés sunnites qui menace le pays d'implosion. «Ce qui est attendu des groupes politiques, c'est de se mettre d'accord sur les trois présidences (de la République, du Parlement et le Premier ministre, ndlr) dans le délai constitutionnel imparti», a-t-il déclaré. «C'est le début d'une solution politique que tout le monde recherche», a-t-il ajouté. Un écho à l'appel du président américain Barack Obama à former un gouvernement rassemblant toutes les forces politiques et les communautés irakiennes pour faire face à la crise. Le Premier ministre Nouri Al Maliki, un chiite critiqué pour sa marginalisation des sunnites et son monopole du pouvoir, a finalement cédé à ses appels jeudi, jugeant nécessaire une solution politique qui irait de pair avec une action militaire. Mais le processus politique pour un tel gouvernement risque d'être long. Le nouveau Parlement doit élire, dans un délai de 30 jours, un président de la République. Ce dernier aura ensuite 15 jours pour charger M. Al Maliki, dont le bloc est arrivé en tête des législatives fin avril, de former un nouveau gouvernement dans un délai de 30 jours. «La solution qui préserve l'unité de l'Irak et les droits de toutes ses composantes selon la Constitution est déjà là et il est possible de se mettre d'accord si les intentions de toutes les parties sont bonnes», a insisté le dignitaire religieux. Trop peu et même trop long jugeront certains et, parmi eux, les dirigeants kurdes qui déclaraient presque au même moment que le contrôle qu'ils exercent désormais sur la ville pétrolifère de Kirkouk, au nord de Baghdad, ne saurait être remis en cause. «Maintenant, c'est fini», a déclaré le président de la région autonome du Kurdistan, Massoud Barzani, en référence à la dispute opposant de longue date le Kurdistan au pouvoir central irakien au sujet de la ville multiethnique de Kirkouk. Les forces kurdes ont pris, le 12 juin, le contrôle de la ville après le retrait de l'armée devant la progression des insurgés en Irak. «Il y avait des forces irakiennes dans ces zones, puis il y a eu un vide sécuritaire, et les Peshmergas (les forces kurdes, ndlr) sont venues combler ce vide», a déclaré M. Barzani lors d'une conférence de presse conjointe avec le chef de la diplomatie britannique, William Hague, en visite en Irak. «Nous avons laissé dix ans au gouvernement fédéral pour résoudre les problèmes de ces zones» disputées, a-t-il ajouté. Les territoires en question s'étendent de la frontière irako-iranienne jusqu'à la frontière avec la Syrie. Prise à la lettre, cette déclaration signifie que l'Irak a perdu son Kurdistan, autrement dit que les frontières intérieures ont été redessinées. Et même plus que prévu avec cet exode de milliers de personnes fuyant les bombardements autour de la ville chrétienne de Qaraqosh, dans le nord de l'Irak. Qaraqosh est située entre Mossoul, la deuxième ville d'Irak, tombée aux mains des insurgés, le 10 juin, et Erbil pour l'heure relativement épargnée par l'offensive emmenée notamment par les jihadistes de l'EIIL. Avant l'invasion américaine de 2003, plus d'un million de chrétiens vivaient en Irak, dont plus de 600 000 à Baghdad. Mais, en raison des violences meurtrières qui ont secoué le pays depuis, ils ne sont aujourd'hui pas plus de 400 000 sur l'ensemble du territoire, selon le patriarche chaldéen. C'est, enfin, un drame humanitaire, les agences internationales lançant un message d'alerte sur les conséquences du conflit qui a poussé 1,2 million d'Irakiens à fuir leurs foyers depuis le début de l'année.