Le ministre de la Communication, Hamid Grine, semble n'avoir dans son viseur que la presse écrite qu'il dit vouloir «assainir». «Dès ma prise de fonction, je me suis intéressé à la presse écrite qu'il faudra professionnaliser», a-t-il assuré lors de son intervention au forum de Liberté, mardi soir. Cependant, M. Grine ne décline pas de feuille de route claire pour en finir avec la situation d'anarchie dans laquelle baigne le champ médiatique. Le ministre s'est contenté d'un constat et, surtout, de vilipender des patrons de journaux, qu'il qualifie de «petits» dont le seul souci est «l'enrichissement» grâce à la publicité publique et aux dépens de l'entreprise. Il refuse de situer les responsabilités. «Il ne s'agit pas, pour moi, de savoir qui en est responsable, je vis dans l'instant, le présent», s'est-il défendu. Le ministre n'est pas sans savoir que le paysage médiatique, englué dans le désordre, n'est que le résultat du laisser-faire des autorités politiques afin d'empêcher l'émergence d'une presse en mesure d'assurer sa mission dans des conditions normales. Des dizaines de journaux que M. Grine attaque aujourd'hui ont vu le jour sous le règne de Bouteflika, dont le seul rôle était d'appuyer les «choix» politiques du pouvoir et, en retour, ces publications sont grassement arrosées par la publicité publique alors que les journaux aux lignes éditoriales critiques en sont privés. La publicité publique, sous l'égide de l'Agence nationale d'édition et de publication (ANEP), qui brasse des sommes colossales, est gérée dans des conditions opaques. Le ministre de la Communication parle de «vrai marécage de la publicité» où il suffit d'un registre du commerce pour créer une agence de communication. Il compte sur la nouvelle loi en préparation pour «mettre fin à cette situation ; désormais seuls les professionnels pourront travailler dans ce domaine». Paradoxalement, M. Grine assure qu'il ne s'est pas intéressé à ce dossier et affirme, par ailleurs, que l'ANEP n'est pas tenue par la loi de donner de la publicité à tous les journaux. «La publicité n'est pas un droit constitutionnel, à ce que je sache», pour justifier que le journal Algérie News a été contraint de mettre la clé sous le paillasson. «De mon point de vue, Algérie News ne semblait plus un support viable en termes de marketing pour l'annonceur», assène le ministre, qui ajoute : «L'ANEP a ses critères et donne la publicité en fonction de son plan média.» Le ministre affirme que la régie publicitaire publique n'est pas sa priorité : «L'ANEP n'est pas une priorité, ma priorité est la professionnalisation.» En disant cela, le ministre a-t-il réellement les coudées franches ? A-t-il une réelle volonté d'attaquer de front le dossier de la publicité publique, au cœur de la problématique, un instrument entre les mains du pouvoir politique pour faire et défaire le paysage médiatique sur lequel beaucoup de ministres se sont cassé les dents. télés privées dans l'illégalité M. Grine n'a pas souhaité s'attarder sur ce dossier. Même quand il est interrogé sur sa position concernant le monopole sur la publicité institutionnelle, il s'est contenté de dire : «A votre avis ?» Au chapitre des dettes contractées par les journaux auprès des sociétés d'impression qui fait polémique ces dernières semaines, le ministre affirme qu'il ne s'agit pas d'«un traitement politique, mais technique» et jure qu'aucune intervention n'est «acceptée». Il révèle par ailleurs que les journaux ont contracté des dettes qui s'élèvent à «quatre milliards de dinars et que les sociétés d'impression publiques ont pu récupérer, durant cette campagne, 200 millions de dinars». Au plan de l'audiovisuel, M. Grine a indiqué que, sur les onze chaînes de télévision privées, seules «cinq ont une accréditation provisoire. Pour les autres, nous avons un seuil de tolérance, nous sommes indulgents. Pour l'instant, elles ne dépassent pas la ligne rouge». Curieux de la part d'un ministre qui dit vouloir assainir le paysage mais ne veut pas appliquer la loi, alors que certaines chaînes de télé se sont illustrées par un discours aussi haineux que dangereux. Hamid Grine parle de «petits dérapages» et que «deux directeurs de télé ont été convoqués à son ministère pour leur infliger un avertissement». Pour les médias gouvernementaux (télévision, radio et presse), le ministre estime qu'«ils manquent d'agressivité en raison de vieux réflexes et de l'autocensure». M. Grine ne parle pas de la censure qui est de règle au boulevard des Martyrs. En somme, le ministre apporte des réponses techniques aux problèmes de son secteur qui sont d'ordre politique.