Il est parti après une élimination sans gloire en 2010. Quatre ans plus tard, la CBF (la Fédération brésilienne) a choisi Dunga pour sauver la nation auriverde. Un choix discutable. Tentative d'explications. Le foot brésilien est en crise. Et cette crise va bien au-delà d'une humiliante défaite en demi-finale de sa Coupe du monde sur un score irréel. Nombreux au Brésil espéraient que cette déroute soit un électrochoc et qu'elle permette de réformer un football qui part à la dérive. Mais au lieu de regarder vers le futur, les grands pontes de la CBF ont préféré opter pour une solution passéiste. Où comment faire du neuf avec du vieux. La nomination de Dunga à la tête de la Seleçao, la vitrine internationale du football brésilien, a même réussi à doucher les esprits les plus optimistes. Car jamais un sélectionneur rappelé à la tête de l'équipe nationale n'a réussi à faire des miracles. Carlos Alberto Pareira et Luis Felipe Scolari en sont de parfaits exemples. Mais alors pourquoi, Jose Maria Marin et Marco Polo del Nero, les omnipotents directeurs de la CBF ont-ils choisi de confier ce poste ultra exposé à Dunga ? Discipline collective D'abord les côtés positifs de cette nomination. Dunga est un apôtre de la discipline collective. Il serait même plus militaire que Scolari. L'ancien capitaine de la canarinha aura donc pour mission de redonner l'amour du maillot, de la discipline et de l'efficacité à des joueurs qui sont passés complètement au travers du rendez-vous de leur vie. Lors de son premier passage à la tête de la seleçao, il a plutôt fait du bon boulot si on se réfère aux statistiques. 60 matches, 42 victoires, 12 matches nuls et 6 défaites. Mais aussi une Copa America (2007), une Coupe des confédérations (2009) et une première place aux éliminatoires de la Coupe du monde 2010. Mais cette valeureuse campagne ne peut effacer cette défaite, indélébile, en quart de finales du Mondial 2010 contre les Pays-Bas. D'ailleurs, quelques jours plus tard, Dunga présentait sa démission. Démission acceptée, bien entendu. Depuis, Dunga s'est occupé de son père atteint de la maladie d'Alzheimer et décédé en 2012, il a wentraîné pendant huit mois (en 2013) son club de l'Internacional de Porto Alegre et a joué un rôle de consultant à la télévision mexicaine lors de ce Mondial. Bref, il a plutôt été éloigné des terrains. Mais les dirigeants de la CBF n'ont, à priori, voulu prendre aucun risque à l'heure de nommer un nouveau sélectionneur. Zico ou Tite semblaient pourtant avoir les épaules assez larges pour accompagner cette sélection traumatisée. Mais le premier a refusé et le second n'a jamais été vu comme une piste crédible pour les dirigeants, car la CBF s'est aperçue lors de ce Mondial que les prochaines éliminatoires allaient être bien compliquées. Pour rappel, seules les quatre premières nations de la zone Amsud se qualifient directement pour le Mondial. Et la cinquième doit passer par un barrage contre une équipe de l'Océanie ou d'Asie. L'Argentine, le Chili, l'Uruguay, la Colombie, l'Equateur mais aussi le Paraguay (en reconstruction) voire le Venezuela (en plein progrès), risquent de donner quelques sueurs froides aux supporters brésiliens. Alors, la Fédération brésilienne a estimé que le prochain sélectionneur n'aurait pas le temps de faire la révolution dans le jeu, de reconstruire, de retrouver une identité plus «brésilienne». Résultat : ils ont fait appel à un ex-champion du monde, réputé pour son style conservateur à qui il sera demandé une seule chose : se qualifier pour le Mondial 2018. Choix discutables Ce raisonnement-là pourrait tenir debout. Mais le problème c'est que la CBF pare au plus pressé. Et ça, ça a le don de mettre hors d'eux les opposants historiques à des dirigeants loin de faire l'unanimité, car beaucoup estiment aujourd'hui que le football brésilien doit faire sa révolution dans les bureaux et sur les terrains. Après cette Coupe du monde catastrophique, les dirigeants de la CBF ont fait tout ce qu'il ne fallait pas faire pour redorer l'image ternie d'un football qui a longtemps fait rêver la planète entière. Quelques jours seulement après l'élimination, ils ont nommé Gilmar, ex-gardien de but international, au poste de coordinateur des sélections nationales. Un choix incompréhensible, car Gilmar n'a aucune expérience dans ce domaine. Et ce choix entraîne, de plus, la suspicion, car Gilmar est agent de joueurs. Comment ne pas imaginer, même pour les esprits les moins retors, qu'il n'essaiera pas de faire sélectionner l'un ou l'autre de ses protégés avec les A comme dans les catégories inférieures ? Et que dire d'Alexandre Gallo, l'entraîneur de la sélection des -20 ans, qui a été, lui aussi, conforté dans ses fonctions ? Cet ancien agent de joueurs (lui aussi) a la charge de remporter pour la première fois de l'histoire du pays une médaille d'or aux Jeux olympiques (Rio 2016). Ce mélange des genres fait scandale au Brésil et il commence sérieusement à agacer du monde (en particulier Romario). Mais ces choix, tous très discutables, ne sont guère étonnants de la part de Jose Maria Marin et Marco Polo del Nero, les deux hommes forts de la CBF. Jose Maria Marin, ancien avocat, député sous la dictature militaire, dirigeant de la fédération Paulista de football, a remplacé au pied levé Ricardo Teixeira en 2012. Président de la CBF pendant 23 ans, Teixeira avait été obligé de faire un pas de côté après plusieurs scandales de corruption. A 82 ans, Marin est le digne héritier de Teixeira, car avec lui aussi, tout est toujours aussi opaque à la CBF. C'est lui, par exemple, qui a décidé d'anticiper les élections du président de la Fédération brésilienne. Normalement prévue en octobre 2014, il a préféré qu'elles se tiennent en avril 2014, avant la Coupe du monde. En effet, il ne voulait prendre aucun risque, car si le Brésil échouait dans sa quête de titre de champion du monde, il s'imaginait bien que son protégé Marco Polo del Nero ne serait jamais élu. Romario en guerre Au mois d'avril, Del Nero a été élu dans un fauteuil avec un résultat digne d'une république bananière : 44 voix sur 47. Il était d'ailleurs le seul candidat. Le mode de scrutin est assez unique en son genre. Puisque les 47 votants sont les 27 présidents de ligue et les 20 présidents des clubs de première division brésilienne. Autant dire que le football amateur, le football de base (des jeunes), la formation, rien de tout ça n'est pris en compte. Alors, dans ces conditions, comment une révolution est-elle possible ? Del Nero prendra officiellement ses fonctions en avril 2015. A cette date-là, Marin prendra un peu de recul pour devenir vice-président de l'entité. Bref, ce duo n'est pas près de lâcher le gouvernail. Sauf que… Les prochains mois risquent d'être très agités au sein de la CBF. Parce que ses membres pourraient avoir à donner des comptes à la justice. Et c'est là où le choix de Dunga est encore plus incompréhensible, car l'ex-futur sélectionneur devrait être entendu au mois d'août par la justice de son pays. Cette dernière s'intéresse en effet à ses liens avec Lamine Fofana, l'un des principaux accusés dans le trafic illégal de billets. Pendant la Coupe du monde, Dunga l'a vu trois fois. Pourquoi ? C'est ce que la justice brésilienne veut savoir. Et ce scandale pourrait également éclabousser Del Nero, le futur président de la CBF. Des billets à son nom ont été revendus, des fortunes sur le marché noir. Au final, les opposants n'attendent que ça, que la justice mette son nez dans les comptes et le fonctionnement de la CBF. Le député Romario compte bien aller au bout de ce combat contre ce système qui détruit, lentement mais sûrement, le football brésilien. D'ailleurs, sous son impulsion, une commission nationale devrait voir le jour pour éplucher les comptes de la CBF. Au final, la nomination de Dunga est donc l'arbre qui cache la forêt. Certains vont même jusqu'à dire que c'est une diversion, une manœuvre politique pour que les médias ne se focalisent pas uniquement sur les dirigeants de la CBF et leurs méthodes que beaucoup qualifient de mafieuses.