La grande plage des Andalouses, un matin du mois d'août. Des parasols et des tables à perte de vue, délicatement agencés, jonchent l'espace encore vide de monde, mais qui ne tardera pas à se remplir. Une image de carte postale, mais qui cache une réalité amère. Ces concessions des plages commencent sérieusement à agacer les estivants, qui ne peuvent plus assumer les frais de la baignade. Une privatisation qui ne dit pas son nom. Théoriquement, le bord de mer est en accès libre, mais certains, érigés en véritables bandes organisées, occupent tout l'espace et obligent les gens à payer en leur refusant le droit de planter leur parasol ou même de s'installer à côté de leur matériel, même si le coin est vide. «Je suis venue avec ma fille et j'ai dû payer 1000 DA», s'insurge cette femme qu'on a obligée à «occuper», comme tous les autres, une table et quatre chaises. «Maintenant, puisqu'ils ont occupé toutes les plages, on n'a vraiment pas où aller si ce n'est dans des endroits infréquentables comme les coins où sont déversées les eaux usées, où la saleté est omniprésente», déplore-t-elle car il faut bien profiter un peu de la fraîcheur de l'eau en cette période de canicule. A 1000 DA le «carré de sable», le business est évidemment extrêmement rentable avec des augmentations d'année en année, ce qui pousse les «investisseurs» à surenchérir. Un cercle vicieux. «Cela a commencé avec les parkings payants à proximité de la plage (100 DA), et ce phénomène s'est vite généralisé à l'ensemble du site», constate cet autre estivant qui a fini par abandonner. Il voulait installer son parasol, mais le groupe de vigiles qui veille au grain l'a vite dissuadé et avec la manière forte. A côté, personne ne bronche. «Je ne vais plus à la plage pour éviter les problèmes de ce type, car je ne suis pas du genre à me laisser faire par ces profiteurs qui, théoriquement, n'ont aucun droit sur l'espace», indique un habitant d'El Ançor de passage à proximité de la plage pour déposer des estivants. «Si je vais à la plage, ce n'est pas pour m'attabler mais pour me prélasser sur le sable, comme on le faisait autrefois, avant que cette mode importée de je ne sais où ne devienne la règle», ajoute-t-il en précisant que le fait de louer du matériel ne gêne personne, mais pour ce qui est de l'espace c'est une tout autre question. Les complexes touristiques situés en bord de mer (qui au passage ont toujours la cote) louaient du matériel, mais à aucun moment ils ne leur est venu à l'esprit d'accaparer un pan de la plage. Leurs clients plaçaient leur matériel au même titre que les autres estivants. «La période d'avant», un terme qui revient avec nostalgie. Pourtant, et les coupures de presse des décennies précédentes le prouvent, le comportement incivique des Algériens sur les plages a donné lieu à beaucoup de commentaires et de caricatures. Cependant, de ce côté-là, la situation n'a pas changé pour autant. La nouvelle donne, c'est juste l'argent qu'on dépense où que l'on perçoit, c'est selon. Les batailles autour des autorisations de «concession» font rage à chaque saison, mais les APC côtières qui les délivrent ne semblent pas se soucier de ce qui se passe sur les sites de baignade, du moment que la demande est importante. Comme chaque année, c'est le rush et tant pis pour ceux qui n'ont pas les moyens de suivre le «progrès».