Tout le monde est au courant mais personne ne réagit. Ils n'ont ni permis de lotir ni permis de construire et ils sont en train d'ériger des villas au nez et à la barbe de tous, indûment et pendant la nuit. Ça se passe sur le versant situé entre la cité dite Belhadj et la route Massinissa, sur une terre agricole qui fait face à la ville. Un terrain où tout le monde aimerait habiter à cause du site panoramique, mais lequel est classé zone non constructible. Ce n'est pas le seul lotissement anarchique qui voit le jour par ces temps d'absence de l'Etat à Constantine et de chaos urbanistique. D'autres sites notamment à Ledjdour, Salah bey, El Meridj, Naâdja Seghira (près de Boussouf), et aussi aux Eucalyptus, en bas de la cité Belhadj, poussent grâce à l'action criminelle de propriétaires terriens cupides et irrespectueux de la loi, qui vendent des lots à construire sans détenir le permis de lotir. Permis qu'ils sont incapables de décrocher du fait que leurs terrains ne répondent pas aux règles de l'urbanisme, notamment la loi 08/15. De l'autre côté, les acheteurs issus de l'exode rural et du magma des blanchisseurs d'argent comptent sur le silence d'une administration locale faible et/ou complice pour ériger leurs blocus et mettre la ville devant le fait accompli, en attendant la régularisation. Stratégie classique. Le cas de ce nouveau site qui appartenait à la famille Benabdelkader est symptomatique. Depuis des mois maintenant, des engins font des terrassements, dans la discrétion, et certains sont même passés au coulage de la plate-forme. Tout le monde est au courant mais personne ne réagit. La commune, première institution concernée et censée veiller au respect de l'urbanisme, n'a pas encore bougé le petit doigt alors qu'on dit que le maire, Sifeddine Rihani, a constitué un dossier qu'il a transmis à la wilaya. Le wali et son DUC ne peuvent pas non plus s'offrir le luxe de rester à l'écart de cette situation. Un bidonville de plus est un bidonville de trop, quand bien même il est constitué de grandes maisons à plusieurs étages. Dans les couloirs de la commune, où on se réuni chaque jour pour examiner cette situation, on chuchote que le silence officiel est imposé par la qualité de certains acquéreurs. Il se trouve effectivement parmi eux une femme magistrat qui aurait usé de son influence pour régulariser deux lots totalement illégaux. Mais est-ce une raison pour justifier la passivité ou bien une vieille astuce qu'on invoque pour tétaniser l'administration et ramener l'opinion publique à la résignation ? Les responsables de cette ville, le maire à leur tête, sont comptables des dérapages urbanistiques. Si ce lotissement voit le jour, ils en porteront à jamais la responsabilité comme on porte un bonnet d'âne.