Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
Enseignement du français, il faudrait minimiser les paramètres idéologiques négatifs Aït Dahmane. Docteur en sciences du langage à l'université Alger II
-Toutes les mesures prises pour mieux enseigner le français semblent ne pas donner de résultat, notamment dans certaines régions où le français n'est toujours pas maîtrisé à grande échelle. Quelle en est la cause à votre avis ? Parmi les causes, on peut citer les représentations négatives sur le français véhiculées par certains discours qui sont censés être pédagogiques et le statut problématique de cette langue en Algérie. Il faudrait redéfinir son statut afin de pouvoir, par la suite, opter pour des méthodes adéquates : s'agit-il d'une langue étrangère au même titre que l'anglais ? D'une langue seconde ? D'une langue véhiculaire ? D'une langue de travail, etc ? Les textes gagneraient à être plus explicites en précisant le statut et la fonction du français dans notre pays. C'est aux responsables du secteur éducatif de s'interroger sur l'efficacité et sur les résultats des réformes entreprises. Pour améliorer l'enseignement du français, je pense qu'il faudrait minimiser au maximum les paramètres idéologiques négatifs, valoriser les paramètres pédagogiques, scientifiques et socioculturels, tenir compte des difficultés rencontrées sur le terrain et mettre en place des programmes de formation au profit des enseignants de français et des formateurs. -Pensez-vous que l'enseignement dans les écoles privées répond au besoin d'une catégorie précise de personnes exclusivement attirées par le français ? Il faut dire que les grèves, les conditions d'enseignement dans certains établissements publics ont poussé les parents à choisir les écoles privées. Les parents font des efforts énormes pour pouvoir payer la scolarisation de leurs enfants, ils veulent leur apprendre, dès leur jeune âge, la langue nationale mais aussi les langues étrangères, principalement le français qui a un statut particulier en Algérie et qui reste utilisé dans les domaines scientifique et professionnel. -Pensez-vous que l'on arrivera à se détacher de l'image du français comme langue du colonisateur et la considérer comme la première langue du marché linguistique algérien ? Aujourd'hui, il devient aberrant de stigmatiser le français comme «langue du colonisateur» sachant qu'elle est parlée, selon les chiffres de l'OIF de l'année 2012, par 220 millions de personnes sur les 5 continents. Le nombre des personnes d'origine algérienne qui vivent en France, en Belgique, au Québec et dans l'espace francophone peut être évalué à des millions. Certes, les Algériens sont très attachés à leur personnalité et conscients de l'importance de leurs langues nationales comme des éléments constitutifs de l'identité, mais ils sont tout à fait conscients du fait que le français, héritage de l'histoire de notre pays, fait partie du paysage sociolinguistique algérien, il s'additionne à l'arabe et au tamazight. Il est la langue de travail des grandes entreprises algériennes, la langue de l'enseignement universitaire de certaines branches spécialisées et avec l'arabe, la langue des médias. Il est utilisé dans les secteurs économique, touristique, il transmet à grand renfort de travaux de recherche, de mises à jour constantes du savoir moderne, une abondante information culturelle et scientifique. Ces données doivent être prises en compte. Les langues sont au service de leurs locuteurs et ont des fonctions spécifiques ; «les langues ne se font pas la guerre», ce sont les hommes qui la font en fonction de leurs intérêts particuliers, il serait utile de ne pas perdre le français, de mieux l'enseigner, de le faire coexister de manière complémentaire avec les langues nationales, de faire participer toutes les langues qui marquent l'espace algérien au projet de développement de notre pays. -A votre avis, quelles sont les politiques linguistiques qui doivent être menées pour un meilleur enseignement des langues étrangères en Algérie ? Il est nécessaire d'établir des politiques qui garantissent un meilleur enseignement des langues étrangères compte tenu des innovations technologiques et des enjeux éducatif, culturel, politique et économique relatifs au contexte de la mondialisation. Il faudrait reconsidérer le rôle du français, langue déjà présente dans la société algérienne, dans l'enseignement/ apprentissage des autres langues vivantes si on veut réellement donner à la jeune génération davantage de chances et d'opportunités pour accéder au savoir et aux connaissances scientifiques. Dans la même perspective, je pense que les progrès en technologies informatiques et l'accès aux moyens de communication permettent des apprentissages plus rapides et plus efficaces des langues. Enfin, il faudrait accorder une attention particulière à la formation continue des enseignants et des formateurs afin qu'ils soient capables de créer des apprentissages plus motivants et plus efficaces.