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Le sens des images
Réflexion : Discours filmiques et discours historiques
Publié dans El Watan le 03 - 01 - 2015

Reléguée au fin fond des mémoires, notre Histoire réapparaît avec plus de force, ces dernières années, dans l'actualité et les médias. Colloques, débats télévisuels, expositions, publications, mais aussi films de fiction et documentaires, se multiplient, rappelant que les blessures de l'histoire sont loin d'être cicatrisées. Les polémiques et invectives qui ont précédé la sortie des dernières productions filmiques traitant de la lutte de libération nationale, les appels à la censure qui se sont succédé et les menaces à peine voilées proférées à l'encontre de leurs auteurs, traduisent un climat délétère insoutenable.
Il y a lieu de faire le point, de dresser un état des lieux, de décoder les articulations complexes entre le politique et le culturel, entre l'image et ses représentations, entre l'Histoire et la mémoire, afin de bien distinguer entre vérité historique et vérité cinématographique, entre réalité et fabulation à travers les discours filmiques.
Une première évidence à signaler : les productions cinématographiques relatives à l'Histoire sont appréhendées et appréciées diversement en fonction des publics, des périodes, des contextes, des moments de réception et du bagage culturel des spectateurs. Cela dit, on constate que ce qui mobilise habituellement l'attention des spectateurs ce sont les aspects narratifs des récits. Les problèmes de forme, les rapports de styles, les choix esthétiques, stylistiques, voire idéologiques des auteurs, scénaristes et réalisateurs sont rarement abordés et cela est regrettable.
On constate aussi que, lors du traitement filmique et des mises en équation des sujets, les réalisateurs ne mesurent pas toujours l'impact, la force et la justesse de leurs messages et encore moins la distance que ces derniers peuvent prendre par rapport à la réalité historique du fait de l'argumentation des récits, de leur stylistique, de leur forme et des enchainements des plans et séquences qui interagissent entre eux. Une précision maintenant : la lecture critique d'une œuvre d'art ne se limite pas, loin s'en faut, aux seuls paramètres cinématographiques.
L'ensemble des éléments et objets signifiants des plans et séquences doit aussi être pris en considération. Le critique a pour rôle d'aider le spectateur à décoder les articulations complexes entre «discours filmique» et «discours historique», entre «vérité cinématographique» et «vérité historique». Le décodage des images fixes ou animées relatives à l'Histoire, l'analyse des mécanismes de leur fabrication, l'étude des contextes qui président à leur création et les vecteurs de propagande dont elles peuvent bénéficier, contribuent grandement à la compréhension de la genèse et de la dissémination massive d'un imaginaire fantasmatique
affilié au passé.
Deux exemples simples aident à étayer cette thèse. Le premier est celui du genre western, spectacle distractif et apprécié du public. A travers un discours narratif quasi-institutionnalisé, la mythologie westernienne à réussi à masquer l'épopée sanglante et dramatique de la conquête de l'Amérique et l'éradication totale du peuple amérindien en mettant en exergue une certaine justice, un certain ordre et une certaine morale, sous une forme divertissante et pleine de suspense.
Réinventée à l'écran grâce au prisme déformant des objectifs cinématographiques et aux moyens techniques et artistiques sophistiqués, l'histoire sanglante de la première puissance mondiale apparait avec un visage positivé, magnifié, grâce au maquillage et au trucage de la réalité, omniprésents dans la plupart des films. Le deuxième est celui des films relatifs aux grands conflits entre puissances européennes, célébrés avec faste ces dernières années.
Les événements historiques des deux guerres mondiales (et la deuxième notamment) sont magnifiés, surdimensionnés à l'extrême ou tout simplement occultés. Sauf exceptions, l'Omerta règne encore sur le cinéma occidental, ne l'incitant pas à se positionner par rapport aux crimes horribles qui ont jalonné l'histoire. Il en est ainsi de l'anéantissement nucléaire des villes de Hiroshima et Nagasaki, au Japon, en 1945, descrimes commis au Vietnam jusqu'en 1973, du dépeçage du Proche et du Moyen-Orient, etc.
L'Histoire a de tout temps fait l'objet d'oublis, d'exagérations et de manipulations. L'avènement du 7e art n'a fait qu'amplifier cela. En Algérie, monopole exclusif des Français durant la période coloniale, la production cinématographique n'avait rien à envier à celle d'outre-Atlantique en matière de manipulation de l'Histoire, d'occultation de faits et de travestissement de la réalité. L'image, fixe d'abord, animée ensuite, a tout naturellement accompagné l'entreprise prédatrice coloniale dont les cinéastes, recrutés en métropole, se sont fait les thuriféraires.
Sur les écrans, aucune allusion à l'occupation barbare ni aux souffrances infligées au peuple algérien. Après 52 ans, le «procès» cinématographique de la colonisation reste à faire, même si quelques œuvres sont venues à contre-courant de la tendance dominante. L'observateur averti peut aisément voir comment naissent et perdurent les clichés, les mythes et les stéréotypes dans l'imaginaire collectif.
Si on devait revisiter notre Histoire à travers le prisme du cinéma, ses évocations, ses silences, ses omissions, on se rendrait vite compte du hiatus entre les propos clairement énoncés des responsables et la réalité projetée sur les écrans. Les premières images algériennes, filmées et montées par des Algériens, ont été conçues dans les maquis, en pleine lutte de libération nationale.
Des cinéastes courageux, dont plusieurs d'origine européenne mais engagés pour l'indépendance, n'ont pas hésité à dénoncer les affres de la soldatesque coloniale en montrant la guerre à l'état brut, sans maquillage et sans occultation aucune. Au lendemain de l'indépendance, et pour la première fois, le peuple algérien était fier de se découvrir à l'écran, tel qu'il était. Les productions significatives qui ont vu le jour témoignaient des sacrifices consentis par tout un peuple dont elles vénéraient le courage et l'héroïsme.
Moyen de lutte et arme de combat contre l'oppresseur, le cinéma algérien était perçu comme l'un des plus importants du tiers-monde. Et puis, dès le début des années ‘70, les discours cinématographiques ont commencé à changer de ton, de formes et de nature. Tout projet de scénario dénonçant les maux sociaux était a priori considéré comme subversif par les responsables.
La censure impitoyable a fini par rendre toute velléité de nouveaux discours filmiques obsolète, bien que quelques œuvres lucides ont pu se frayer le chemin des écrans. La cinématographie nationale s'est amenuisée. Une lourde chape de plomb a tétanisé la production avant que les structures cinématographiques publiques ne soient démantelées une à une. Surgirent alors de nouvelles féodalités et une corruption qui va finir par réduire à néant le secteur. Mais, malgré ce chaos, certains films ont miraculeusement réussi à voir le jour, souvent à l'occasion de commémorations de dates historiques, pour magnifier le combat libérateur.
Avec le recul, on peut constater que les films relatifs à la lutte de Libération nationale recèlent encore de nombreux mystères. Trop de zones d'ombre, de pans d'Histoire ignorés, mal connus ou volontairement occultés ! Nourri dans un bain politique délétère, avec des rapports confus entre ce qui relève de la réalité historique et ce qui relève des mémoires, le discours filmique a été transfiguré. L'Histoire nationale est devenue prétexte à scénarios d'aventures, de suspense ou d'épopées édifiantes.
Non seulement le passé n'a pas été rapporté dans toute sa véracité mais, de plus, les films produits n'ont pas rendu lisible l'héritage historique. D'où le grand désenchantement et l'ignorance totale de la vraie histoire du pays. Les mémoires collectives n'ont enregistré à ce jour comme seul véritable événement durant les sept années de lutte, que celle qui eut pour cadre La Casbah d'Alger.
La Bataille d'Alger (1966), célébrée magistralement par le cinéma grâce au talentueux réalisateur italien, Gillo Pontecorvo, et installée au premier rang de l'imaginaire collectif peut faire croire que c'est l'unique grande bataille de notre histoire révolutionnaire. Aujourd'hui, un nouvel imaginaire cinématographique est-il envisageable dans notre pays ? Le contexte sociopolitique a fondamentalement changé. Mais l'usine idéologique perdure dans sa mission : fabriquer des rêves et des fantasmes pour continuer à manipuler des faits historiques et à instrumentaliser les esprits.
Une histoire officielle est concoctée. C'est l'Institution, donc l'Etat, donc le pouvoir politique en place, qui détermine la connaissance historique en décidant des programmes pédagogiques et culturels, en nommant ceux qui doivent l'appliquer, en désignant les cinéastes-liges habilités à traiter de l'Histoire nationale et en filtrant toutes les productions théâtrales et cinématographiques «non-conformes», afin de contrer toute velléité d'une Histoire non officielle. C'est grâce à ce contrôle tatillon que les apparatchiks maîtrisent le présent en achetant au besoin la paix sociale à coup de barils de pétrole.
Certes, certaines productions ont bien réussi à mettre en évidence des faits avérés à travers des fictions dramatisées et partisanes à forte charge symbolique. Mais, pour l'essentiel, l'histoire analytique de notre révolution, telle que portée à l'écran, n'est guère satisfaisante. Les polémiques et débats houleux qui ont accompagné la sortie de récentes productions comme Mostepha Ben Boulaïd d'Ahmed Rachedi, Ahmed Zabana de Saïd Ould Khelifa et L'Oranais» de Lyès Salem, entre autres, montrent bien qu'il y a un véritable problème.
On peut reprocher à ces cinéastes leurs représentations partielles et partiales du passé. Mais, aucun film ne peut à lui tout seul raconter ou décrire des événements historiques de manière exhaustive. Par ailleurs, les cinéastes ne sont pas assujettis à la même rigueur historique que les historiens. Ce qui amène des interrogations, autant sur la façon dont les auteurs «recréent» les pages d'Histoire que sur l'influence du pouvoir et de l'historiographie de la révolution sur leurs productions.
Chaque période apportant d'autres espoirs, de nouveaux champs d'investigation et d'exploitation s'ouvrent à l'appétit de la nouvelle génération de cinéastes, d'historiens et de chercheurs qui, pour la plupart, n'ont pas vécu les événements qu'ils relatent à travers leurs écrits et leurs films. Espérons que les discours cinématographiques à venir soient en connexion étroite avec les contextes socio-historiques et politiques. Un scénario de fiction relatif à l'Histoire n'est pas un simple récit. Il est discours sur le monde et représentation d'une époque donnée. Il importe donc pour le cinéaste d'avoir bien présent à l'esprit le contexte dans lequel s'élabore et se construit son film afin, d'une part, de mesurer sa distance par rapport à la réalité historique et, d'autre part, d'analyser les articulations entre les différents types de discours et le discours idéologique englobant.
Au lieu de censurer les Rachedi, Bouchareb, Ould Khelifa, Salem et autres cinéastes à venir, il y a lieu de tout faire pour que leurs films soient projetés partout aux contribuables qui les ont produit, afin que ces derniers puissent les apprécier à leur juste valeur et mettre en œuvre des stratégies de distanciation, si besoin est, pour s'en démarquer. Les institutions doivent sortir de leur léthargie. Leur mission est de contribuer à l'écriture de l'Histoire et non de discréditer la mémoire, à force de censure.
Lorsque les mémoires qui remodèlent les épisodes fondateurs d'une vie se tarissent, lorsque les archives sont mises sous séquestre et lorsque des pans entiers du passé sont volontairement ignorés, il n'y a pas lieu de s'étonner alors que s'érigent les murs de l'ignorance.


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