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Enseigner de l'informatique non libre revient à implanter la dépendance
Richard Matthew Stallman. Fondateur de la Free Software Fondation
Publié dans El Watan le 18 - 02 - 2015

La semaine dernière, Richard Matthew Stallman, le gourou américain de l'informatique libre, était de passage en Algérie pour une série de conférences portant sur la liberté et l'éthique informatiques. D'Alger à Djelfa, en passant par les universités de Sidi Bel Abbès et de Sétif, le récalcitrant démissionnaire de Harvard a drainé une foule enthousiaste d'étudiants en informatique, férus des logiciels libres. L'ancien hacker du MIT, devenu grand militant en faveur des libertés individuelles, a passé les vingt-cinq dernières années à sillonner le monde pour «libérer les otages de la prison cool : l'informatique inquisitrice». Réputé pourtant méfiant à l'égard des médias, l'enfant terrible des USA répond aux questions d'El Watan Etudiant.
- Les logiciels sous licence sont-ils systématiquement des malwares (pourvus de fonctions malsaines) ? Quelles seraient leurs fonctionnalités pernicieuses ? Dans quel but ? Quel serait leur degré de nuisance ?
Ce n'est pas toujours le cas, mais très souvent oui. Cela dépend du genre de programme destiné à des utilisateurs cibles, et bien entendus aux intentions de l'éditeur. Si quelques-uns restreignent votre liberté et vous censurent, d'autres vous surveillent et vous espionnent carrément. Le logiciel privateur ne vous laisse pas le choix et vous oblige à excepter son contrôle de votre propre gré, en permettant les commandes à distance pour attaquer l'utilisateur.
Des systèmes d'exploitation largement répandus adoptent toutes ces pratiques à leurs utilisateurs soumis en toute impunité. Il existe un grand nombre de programmes privateurs. Pour la précision, «privateur» est un terme que nous utilisons pour désigner tous les programmes qui privent les utilisateurs de leur liberté. Dans ces logiciels, il arrive que nous ne puissions même pas identifier des fonctionnalités malveillantes, car ils font en sorte qu'il soit impossible de les investiguer pour établir leur présence ou prouver leur absence.
L'utilisation d'un programme privateur exige donc une foi aveugle. Il serait naïf de ne pas les soupçonner tous. Comme beaucoup sont effectivement malveillants, il faut présumer que tous peuvent l'être. Le logiciel libre respecte la liberté des utilisateurs, nous disons que c'est un «logiciel libre» [free software] pour souligner le fait que nous parlons de liberté et non de prix.
- Comment se prémunir des risques si l'on ne dispose pas de connaissances en informatique ?
Sous logiciel libre on est plus ou moins à l'abri des velléités malveillantes, qui sont l'apanage des éditeurs qui vous piègent avec préméditation dans un but lucratif, même en sachant que cela est injuste et pas légal. Le pouvoir corrompt, et donc le développeur du programme privateur est tenté, dès sa conception, d'y introduire le traitement inéquitable des utilisateurs et ainsi mettre les utilisateurs en état d'infériorité pour mieux les rendre dépendants.
Les utilisateurs du programme libre qui savent programmer étudient de temps en temps le code source et ont la possibilité de détecter le code malveillant et de l'enlever. Tandis que pour le logiciel privateur, cela est impossible et interdit ; quand il y a une fonctionnalité malveillante, les utilisateurs sont bloqués et interdits de le corriger.
- Selon vous, quels matériaux didactiques et quelles approches pédagogiques devront suivre les institutions éducatives dans l'enseignement des bonnes pratiques informatiques ?
Les activités liées à l'éducation dans les écoles et les universités ont pour devoir moral de n'enseigner que le logiciel libre. Certains programmeurs-nés, une fois adolescents, ont soif d'apprendre. Ils sont extrêmement curieux de lire le code source des programmes qu'ils utilisent tous les jours.
Le logiciel privateur bride cette soif de connaissances, il dit : «Le savoir que tu recherches est un secret – apprendre est interdit !» L'école a une mission sociale, celle de former les élèves à être citoyens d'une société forte, capable, indépendante, solidaire et libre. Elle doit promouvoir l'utilisation de logiciel libre, tout comme elle promeut la conservation des ressources naturelles et des droits de l'homme. En formant les élèves et étudiants au logiciel libre, elle donnera leur diplôme à des citoyens prêts à évoluer dans une société numérique libre.
Cela aidera la société toute entière à échapper à la domination des multinationales. En revanche, enseigner un programme non libre revient à implanter la dépendance, ce qui va à l'encontre de la mission sociale de l'école. Les écoles ont le devoir moral de refuser les cadeaux empoisonnés des entreprises esclavagistes. Certains développeurs de logiciels privateurs offrent-ils des exemplaires gratuits de leurs programmes non libres aux écoles ?
Et ce, parce qu'ils veulent se servir d'elles pour implanter la dépendance à leurs produits, comme le faisaient les industriels du tabac qui ont distribué des cigarettes gratuites à des enfants d'âge scolaire. Enfin, le logiciel libre fait aussi économiser de l'argent aux écoles, l'Education nationale (ou tout système éducatif) peut en donner des copies à toutes les écoles, et chacune peut installer les programmes sur tous ses ordinateurs, sans avoir besoin de payer pour le faire.
- Les pro-grandes marques vous désignent comme un gourou et paranoïaque théoricien du complot ; que répondez-vous à ce genre d'accusation ?
«Gourou» ne signifie-t-il pas enseignant ? Alors oui, je suis un gourou dont l'enseignement est noble. La liberté et l'éthique scientifique sont ma doctrine, et je compte bien continuer mon labeur : enseigner aux utilisateurs à valoriser la notion de la liberté informatique et à la protéger.
Personnellement, j'ai le mérite de la transparence et c'est également le cas de mes collaborateurs et des autres communautés du logiciel libre. Je ne travaille pas dans l'ombre, tous mes travaux sont publics. Contrairement à mes détracteurs, je vous invite à consulter mes articles et vous pourrez juger de vous-même de la pertinence de ce que je dis. Les vrais comploteurs sont les entreprises qui veulent nous imposer des fonctionnalités malveillantes pour nous contrôler, nous extorquer notre argent et priver les nouvelles générations du droit au savoir.
- Que pensez-vous des institution gouvernementales qui passent des contrats avec des entreprises de logiciels connues, mais dont la réputation est mise en cause par les portes dérobées et les fonctionnalités de surveillance et d'espionnage ?
Toute agence publique doit utiliser uniquement le libre. Le fait que les forces armées, par exemple, utilisent le logiciel privateur met en danger la sécurité nationale. Toute agence publique a la responsabilité de maintenir sa souveraineté par le contrôle de son informatique. Il existe une faille de sécurité essentielle dans le logiciel privateur, il n'est jamais protégé contre une attaque venant de son propre développeur. Et le développeur peut également aider d'autres à attaquer un tiers utilisateur.
Il est notoire que les éditeurs privateurs dévoilent leurs bugs (erreurs) avant de les corriger à la NSA qui est l'agence gouvernementale américaine d'espionnage numérique. Si le gouvernement d'un autre pays utilise un tel logiciel, il compromet sa sécurité nationale. Voulez-vous que la NSA pénètre par effraction dans les ordinateurs de votre gouvernement ? Beaucoup de programmes privateurs font de l'espionnage d'utilisateurs. La meilleure manière de s'en prémunir est de les éviter et n'utiliser que des programmes que l'Etat peut vérifier.
Un utilisateur particulier ne peut pas vérifier l'intégralité des codes de programmes qu'il utilise, mais pour un Etat cela est faisable. Il faut se méfier des menaces soulevées par les services informatiques qui invitent les gens à confier toutes leurs données, qui sont par la suite subtilisées à leur insu. S'exposer volontairement à ce genre de menaces est simplement idiot.
- Les Etats optent en général pour les programmes conçus par les grandes entreprises. Cela est-il dû à l'ignorance des risques encourus par les administrateurs et les hommes politiques ? Ou existe-t-il une complicité entre les gouvernements et les grandes firmes dans le but de contrôler les utilisateurs (citoyens) ?
Les contrôler et les plumer aussi ! C'est bien démontré aux Etats-Unis dans tout le champ politique. Les entreprises du logiciel privateur savent aussi acheter des élus américains. Déjà, en 1998, ils ont été derrière deux lois injustes, y compris la fameuse Digital Millennium Copyright Act qui, pour soi-disant protéger les documents assujettis aux droits d'auteur, interdit la copie, la distribution, mais pratique également de la censure sur les moteurs de recherche.
Aux Etas-Unis, lors des campagnes électorales, le lobbying des entreprises est très influent. Il suffit de dire au gouvernement : «Si vous appuyez ce traité-ci, nous installerons un centre de recherche dans votre Etat et nous y dépenserons un million de dollars par an». Pour une grosse entreprise, un million de dollars par an n'est pas grand-chose, et ce deal lui octroie un pouvoir régalien sur l'Etat. Cinq ans plus tard, la même entreprise peut arracher une autre loi ou traité en menaçant de retirer le centre de recherche. Cela n'est-il pas pathétique ?
- Quel modèle concret proposez-vous pour les utilisateurs, et particulièrement pour les Etats ? Existe-il des exemples d'implémentation généralisée du logiciel libre réussi dans le monde ?
Il existe de plus en plus de cas dans le monde. L'Equateur a initié une politique générale de migration vers le logiciel libre de toutes ses agences publiques. En France, la Gendarmerie française en est la pionnière. Depuis 2001, les gendarmes français avaient adopté la suite bureautique Open Office pour tous leurs documents, ensuite ils ont totalement migré vers le système d'exploitation GNU-Linux. Ce corps est devenu indépendant des distributeurs et des éditeurs de logiciels propriétaires et a réalisé d'énormes économies dans le budget des «logiciels», estimé à environ deux millions d'euros par an.
En 2012, le Premier ministre français avait même diffusé une circulaire destinée à tous les ministères sur l'usage des logiciels libres dans l'administration ; le ministère des Affaires sociales et de la Santé et celui de la Culture et ensuite les services du ministère de l'Intérieur ont également opté pour ce choix souverain avec un grand succès.
Au départ, les utilisateurs institutionnels étaient méfiants par rapport au logiciel libre, car il a été introduit à l'origine par des militants et porté par une philosophie libératrice que certains assimilaient par ignorance à des mouvements anarchiques. Mais, aujourd'hui, le choix du logiciel libre dans l'administration officielle est de plus en plus courant, non pas par engagement idéologique, mais simplement par un choix raisonné. Quant à l'Education, l'Andalousie a migré vers l'enseignement sur au GNU-Linux dans les écoles il y a de cela déjà dix ans. L'Etat indien de Kerala en a fait de même.
- Quel constat faites-vous de l'état du logiciel libre en Algérie ? Et quelle est votre impression suite à votre rencontre avec les étudiants en informatique ?
Ma visite en Algérie s'inscrit dans le cadre de ma campagne mondiale pour la promotion du logiciel libre. Je ne saurais évaluer l'ampleur dans votre pays, et cela n'est pas de mon ressort. Ma démarche était celle d'augmenter l'intérêt et l'estime du logiciel libre auprès des utilisateurs, qu'ils soient privés ou publics. Je conseille vivement à l'Etat algérien d'encourager cette dynamique pour garantir l'autonomie et la sécurité, ainsi que la promotion d'un enseignement plus fiable.
Les universités et les centres de recherche, mais aussi les médias et les clubs scientifiques doivent persister dans leurs efforts de vulgarisation et d'enseignement de l'informatique libre. J'estime que tous les moyens sont bons pour diffuser plus d'informations sur cette question qui a trait à l'avenir des sciences, mais aussi à la liberté même des peuples.


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