De larges passages du discours du président de la République semblent une réponse aux déclarations misogynes entendues à la suite du vote des amendements au code pénal et portant sur la répression des violences contre les femmes. Le code de la famille, «qui n'est pas exempt de lacunes», sera réformé. La cérémonie organisée hier à l'occasion de la Journée internationale des droits de la femme n'a pas été vide de sens : le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a annoncé que de nouvelles mesures législatives et incitatives seront introduites afin de renforcer et préserver les droits de la femme algérienne et sa place au sein de la société. C'est dans un discours lu à l'assistance par Mounia Meslem, ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, que le Président explique qu'une commission sera mise en place afin de préparer la révision de certains articles du code de la famille, notamment ceux régissant le divorce et le khol' (divorce à l'initiative de l'épouse). Le chef de l'Etat explique, dans son message, que cette décision est motivée par le fait que le divorce dans ces deux formes «constitue, aujourd'hui, un phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur dans notre société». «J'ordonne au gouvernement de charger un comité ad hoc de la révision et du réaménagement des articles dudit code relatifs au divorce, qui prêtent à interprétation, en vue d'y introduire les clarifications et précisions nécessaires, afin de combler les insuffisances et garantir la protection des droits des deux conjoints et des enfants, ainsi que la préservation de la stabilité de la famille algérienne», est-il dit dans le texte. Même ambiguë quant à sa portée et à son objectif, cette déclaration n'en reste pas moins forte tant il est symbolique de «toucher» au code de la famille, décrié par les féministes tout comme par les conservateurs : les premiers pour son caractère restrictif, les autres pour son caractère permissif. D'autant que cela intervient au lendemain de l'amendement du code pénal et ses dispositions quant aux violences faites aux femmes, qui suscite débats et remous au sein de la société. L'«émancipation» pas antinomique de la religion De larges passages de son discours semblent d'ailleurs une réponse, atténuée mais cinglante, aux discours misogynes décomplexés qui ont été entendus ici et là. «Nous devons améliorer nos lois relatives à la famille en harmonie avec les exigences de notre époque et de la vie moderne, aussi bien pour l'homme que pour la femme, en matière de vie sociale en veillant, en tout état de cause, à assurer une totale conformité de ce que décide le législateur avec notre sainte religion», concède le Président. Et l'argument religieux, rabâché à l'envi par les tenant de certains discours rétrogrades, assignant la gent féminine au rang de sous-individus, est battu en brèche quelques lignes plus haut par M. Bouteflika, qui semble ainsi signifier que «l'émancipation de la femme» n'est pas antinomique de la religion. Décrivant la femme algérienne qui «va de l'avant», «déterminée et décidée», qui «ne perd pas son temps à lorgner vers le passé», il ajoute qu'elle se défait «chaque jour davantage des hérésies qui inhibent sa détermination, des obstacles et des entraves qui encombrent son chemin et des règles de toutes sortes, étrangères à la religion, pour poursuivre sa marche, forte de ses droits consacrés par le Saint Coran et la tradition du Prophète (QSSL)». L'amoindrissement du «plafond de verre» ? Pour le moins volontariste, ce discours estime que les services concernés se doivent de mener campagne contre «la persistance des us et coutumes liés au conservatisme et à l'obscurantisme qui persistent à violer les droits de la femme, troubler leur exercice ou entraver son autonomisation économique et sociale». Car la condition de la femme est, selon lui, à insérer en tant que partie intégrante dans le «combat pour garantir les conditions de dignité humaine, d'égalité et d'équité». De justice sociale, en somme. «Elle est en droit d'être soutenue et protégée par la loi en matière d'accès à l'emploi et de possession de biens et richesses sous le régime de la séparation, en étant libre d'en disposer elle-même et à sa convenance», insiste le Président. C'est d'ailleurs sur le plan économique et sur le plan du travail que le gouvernement escompte renforcer et pérenniser ces acquis, et ainsi permettre aux femmes de ne plus tant se heurter au fameux plafond de verre, et ce, «conformément au principe de l'égalité des chances et abstraction faite du genre». Il est donc prévu de «favoriser la conciliation des responsabilités de la femme, notamment universitaire, pour lui permettre de mieux se positionner sur le marché de l'emploi et dans la hiérarchie des responsabilités», chose parfois rendue impossible «faute d'accompagnement au plan social et en raison des obligations inhérentes au statut de mère de famille». Faciliter la conciliation entre famille et travail Raison pour laquelle il est «instamment demandé» aux autorités compétentes de multiplier le nombre de crèches et de centres d'accueil de la petite enfance, dont la répartition géographique et l'accessibilité devront être à même de conforter l'autonomisation de la femme à travers une bonne prise en charge. Car, comme le reconnaît M. Bouteflika, «la conciliation des nombreuses responsabilités lui incombant est loin d'être une sinécure pour la femme. Ses responsabilités sont beaucoup plus lourdes que celles de l'homme. C'est sur la femme que repose, le plus souvent, la mission de gérer et de résoudre les difficultés». Une nouvelle stratégie de promotion et d'insertion de la femme sera de ce fait élaborée, en concertation avec les organisations féminines, sur la base des enseignements tirés de la stratégie 2010-2014. De même, l'Exécutif se devra d'assurer la sensibilisation des femmes et des jeunes filles quant à leurs droits, et ce, pour leur permettre de s'assumer dans tous les contextes de leur vie au sein de la société. Ce discours-programme ne sera-t-il, encore une fois, qu'une allocution de circonstance ? Ou sera-t-il effectivement suivi par des actes concrets et une réelle application sur le terrain et, surtout, une évolution des mentalités ?